Actualité droit social

Télétravail : 2 exemples de non-reconnaissance d’accident du travail

Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail (art. L. 411-1 Code sécurité sociale).

Exemple 1 : alors que le salarié avait commencé à télé-travailler, un bruit de choc s’est fait entendre à l’extérieur de son domicile et la connexion internet s’est interrompue. Celui-ci s’est alors rendu sur la voie publique, sur le trottoir, et discutait avec le chauffeur du camion qui venait de heurter le poteau téléphonique, lorsqu’un second véhicule a de nouveau tiré sur les câbles distendus, faisant alors tomber le poteau, qui a causé au salarié multiples plaies et fractures.

La Cour d’appel exclut l’accident du travail en considérant que le salarié avait cessé sa mission pour un motif personnel, aucune obligation ne lui ayant été faite par son employeur de trouver l’origine de la panne ou de renseigner utilement l’opérateur téléphonique.

CA de La Réunion 4 mai 2023 n° 22/00884

Exemple 2 : le jour de l’accident, la salariée télétravaillait dans le cadre du télétravail mis en place à la demande de son employeur du fait de la crise sanitaire, dans un bureau dans son sous-sol dont l’accès se faisait par un escalier ; que ses horaires de travail étaient se terminaient à 16h01. A 16h02, juste après s’être déconnectée, elle est tombée dans l’escalier en remontant de ce sous-sol, ce qui a engendré une fracture du coude droit et d’autres blessures.

Pour exclure l’accident du travail, la Cour constate que la chute accidentelle a eu lieu alors que la salariée avait terminé sa journée de travail, celle-ci ayant effectué son pointage de fin de journée (déconnexion) à 16h01 et qu’elle n’était donc plus sous la subordination de son employeur au moment de l’accident.

CA Amiens 15 juin 2023 n° 22/00474


Forfait jours : sont déclarées nulles des conventions conclues en application des conventions collectives de l’Automobile et des Prestataires de services.

Dans deux arrêts, la Cour de cassation a considéré que les conventions de forfait annuel en jours conclues en application de ces conventions devaient être annulées.

La Cour de cassation exige l’organisation d’un suivi effectif et régulier permettant à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable.

CC de l’Automobile : prévoit notamment que chaque salarié en forfait jours doit renseigner un document de suivi du forfait mis à sa disposition à cet effet, ce document faisant apparaître le nombre et la date des journées travaillées ainsi que le positionnement et la qualification des jours non travaillés.

En réalité, à chaque fois qu’une convention collective prévoit un tel système déclaratif sans intervention obligatoire de la hiérarchie, la Cour de cassation a annulé les conventions de forfait jours conclues en application de celles-ci.

CC des Prestataires de service : prévoit un contrôle du nombre des journées ou demi-journées travaillées par l’établissement d’un document récapitulatif pouvant être tenu par le salarié sous la responsabilité de l’employeur, ainsi qu’un entretien annuel sur la charge de travail. Ces deux seules mesures sont jugées insuffisantes par la Cour de cassation.

En revache, les stipulations de la convention du secteur du Bâtiment pour les Etam ont été jugées suffisantes.

Cass. soc. 5 juillet 2023 nos 21-23.222, n° 21-23.387, n° 21-23.294


Forfait jours : qu’est-ce que l’autonomie requise par la loi ?

Peuvent conclure une convention de forfait en jours sur l’année (art. L. 3121-58 du Code du travail) :

– les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre l’horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auxquels ils sont intégrés.
– les salariés dont la durée du travail ne peut pas être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées.

En application de ce texte, n’est pas considéré comme étant autonome le salarié dont l’emploi du temps et le planning des interventions sont déterminés par sa hiérarchie (Cass. soc. 23 janv. 2013 n° 11-12.323)

De même, ne dispose pas d’une réelle autonomie le salarié soumis à une obligation de pointage : une journée de travail, pour être validée, devait comptabiliser 6 heures de présence dans l’entreprise, ce qui est contraire à la notion d’autonome relative au forfait jours (Cass. soc., 7 juin 2023, 22-10.196).


Accident du travail : deux exemples instructifs

Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail (art. L. 411-1 Code sécurité sociale).

1er exemple : La Cour de cassation rappelle d’abord qu’un accident qui se produit alors que le salarié ne se trouve plus sous la subordination juridique de l’employeur constitue un accident du travail, si l’intéressé ou ses ayants droit établissent qu’il est survenu par le fait du travail.

Il s’agissait d’une tentative de suicide sur le lieu de travail mais hors du temps de travail.

La Cour d’appel avait écarté l’accident du travail au motif notamment que, si l’intéressé avait appris la veille que l’autorisation administrative de licenciement avait été accordée, celui-ci avait cependant agi pour conférer la plus large publicité à son acte sur le lieu de travail. Ainsi, cette action réfléchie et volontaire de l’intéressé constituait la cause de l’ingestion médicamenteuse, excluant par là-même la reconnaissance d’un fait accidentel.

La Cour de cassation casse l’arrêt et valide l’accident du travail, dès lors qu’il avait été constaté que la tentative de suicide avait été causée par l’imminence du licenciement du salarié. Cass. civ. 2ème, 1er juin 2023, n° 21-17.804

2ème exemple : un salarié avait déclaré avoir été victime d’un accident du travail ayant causé une lombosciatique, lésion de la jambe non visible à l’œil nu.

La Cour d’appel avait cependant déclaré l’accident inopposable à l’employeur aux motifs notamment :

– que celui-ci n’avait pas eu de témoin en dépit du fait que la victime travaille en équipe,
– et que l’attestation d’un collègue de travail révèlait son intention de feindre un accident du travail quelques jours avant la survenue de l’accident litigieux, en raison d’un climat de tension avec son employeur.

La Cour de cassation valide cet arrêt en application du pouvoir souverain des juges du fond. Cass. civ. 2ème, 1er juin 2023, n°21-21.281


Période d’essai : fin de la dérogation aux durées maximales légales.

Depuis une loi du 25 juin 2008, la durée maximale de la période d’essai est fixée par la loi : 2 mois pour les ouvriers et employés, 3 mois pour les agents de maîtrise et techniciens et 4 mois pour les cadres (art. L. 1221-19 du Code du travail).

L’article L. 1221-22 du Code du travail prévoyait que les durées plus longues fixées par accord de branche conclu avant le 26 juin 2008 faisaient exception. Ce n’est plus possible depuis le 9 septembre 2023 (Loi n° 2023-171 du 9 mars 2023, entrée en vigueur le 9 septembre 2023).

Il existe 9 conventions collectives prévoyant à ce jour des durées maximales plus longues, désormais inapplicables : transport aérien personnel au sol, remontées mécaniques, salariés permanents des entreprises de travail temporaire, promotion construction, formation organismes, assurance sociétés, assurance sociétés inspection, banque et mutualités.

A noter qu’il est toujours possible de stipuler une durée plus courte que la durée légale énoncée ci-dessus.


Syntec : le 13ème mois ne vaut pas prime de vacances.

Aux termes de l’art. 7.3 de la convention collective Syntec, l’employeur doit verser au salarié une prime de vacances au moins être égale à 1 % de la base brute du salaire servant de base aux congés payés.

Le texte précise que toutes les primes ou gratifications versées à l’ensemble des salariés en cours d’année à divers titres et quelle qu’en soit la nature, peuvent être considérées comme primes de vacances à condition qu’elles soient au moins égales au pourcentage ci-dessus et qu’une partie soit versée pendant la période située entre le 1er mai et le 31 octobre.

La Cour de cassation vient de préciser que le treizième mois ne constitue qu’une modalité de paiement du salaire et ne peut valoir prime de vacances (Cass. soc. 21 juin 2023 n° 21-21.150).

Le texte de l’article 7.3 précise aussi qu’une prime d’objectif stipulée au contrat de travail ne peut, de même, valoir prime de vacances.


Entretien d’évaluation et entretien professionnel : peuvent-ils être tenus à la même date ?

Tous les deux ans, le salarié bénéficie d’un entretien professionnel avec son employeur consacré à ses perspectives d’évolution professionnelle, notamment en termes de qualifications et d’emploi. Cet entretien ne porte pas sur l’évaluation du travail du salarié (art. L. 6315-1, I, du Code du travail).

Pour la Cour de cassation, l’entretien d’évaluation et l’entretien professionnel peuvent parfaitement être tenus à la même date.

Attention cependant : lors de la tenue de l’entretien professionnel, les questions d’évaluation ne doivent pas être évoquées. Les deux entretiens doivent donc être tenus de manière bien distincte et doivent donner lieu à deux comptes-rendus distincts.

Cass. soc. 5 juillet 2023 n° 21-24.122


Congés payés et maladie : petite révolution par la Cour de cassation

Un premier arrêt du 13 septembre 2023 concerne l’arrêt maladie d’origine non professionnelle :

– Avant cet arrêt, le salarié en arrêt maladie ne pouvait acquérir des droits à congés, sauf si l’arrêt de travail faisait suite à un accident du travail ou une maladie professionnelle.
Par cet arrêt, la Cour de cassation énonce dorénavant que le salarié acquiert des congés payés en cas d’arrêt maladie, que l’arrêt de travail soit d’origine professionnelle ou non, conformément au droit européen.

Est donc écarté l’article L. 3141-3 du Code du travail en ce qu’il subordonne l’acquisition de droits à congé payé à l’exécution d’un travail effectif.

Un deuxième arrêt du même jour concerne l’arrêt maladie d’origine professionnelle :
Avant cet arrêt : le calcul l’indemnité compensatrice de congé payé ne pouvait prendre en compte plus d’un an d’arrêt de travail en cas d’accident du travail ou maladie professionnelle.
Par cet arrêt, la Cour juge désormais qu’il est possible de calculer les droits à congé payé en incluant toute la période d’arrêt de travail, sans aucune limite, conformément au droit européen.

Est donc partiellement écarté l’art. L. 3141-5, 5° du Code du travail.

Un troisième arrêt énonce que le délai de prescription de 3 ans de l’indemnité de congé payé ne peut commencer à courir que si l’employeur a pris les mesures nécessaires pour permettre au salarié d’exercer effectivement son droit à congé payé. Dans ce cas, la salariée n’avait pas été en mesure de prendre des congés payés au cours de ses 10 années d’activité au sein de la société, puisque l’employeur n’avait pas reconnu l’existence d’un contrat de travail. Le délai de prescription ne pouvait donc pas commencer à courir et la salariée pouvait donc remonter sur 10 ans pour calculer ses droits.

Cass. soc., 13 sept. 2023, n° 22-17.340 à 22-17.342 ; 22-17.638 ; 22-10.529, 22-11.106


Protection accrue des familles d’enfants atteints de graves problèmes de santé

Protection contre la rupture du contrat de travail pendant le congé de présence parentale : licenciement impossible sauf cas de faute grave ou lourde du salarié, ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à l’état de santé de l’enfant du salarié (C. trav. art. L. 1225-4-4, al. 1 nouveau). La même protection s’applique pendant les périodes travaillées si le congé de présence parentale est fractionné ou pris à temps partiel.

Télétravail : il appartient à l’accord collectif ou, à défaut, à la charte élaborée par l’employeur mettant en place le télétravail, de préciser les modalités d’accès à une organisation en télétravail des salariés aidants d’un enfant, d’un parent ou d’un proche (C. trav. art. L 1222-9, II modifié).

En l’absence d’accord collectif ou de charte mettant en place le télétravail : l’employeur doit motiver son refus d’accéder à la demande de recours au télétravail lorsqu’elle émane de ces mêmes salariés aidants. L’obligation de motivation de l’employeur n’est donc plus limitée, comme c’était le cas, à la demande de recours au télétravail émise par le proche aidant d’une personne âgée (C. trav. art. L 1229, I modifié).

Allongement de la durée minimale légale de certains congés liés à l’état de santé de l’enfant :

décès d’un enfant âgé d’au moins 25 ans : le congé est porté de 5 à 12 jours ouvrables

décès d’un enfant du salarié âgé de moins de 25 ans, d’une personne à sa charge effective et permanente âgée de moins de 25 ans ou, quel que soit son âge, d’un enfant qui est lui-même parent : sa durée est portée de 7 jours ouvrés à 14 jours ouvrables

annonce de la survenue d’un handicap, d’une pathologie chronique nécessitant un apprentissage thérapeutique ou d’un cancer chez l’enfant du salarié : le congé est porté de 2 à 5 jours ouvrables.

(C. trav. art. L 3142-1 modifié)

Loi du 19-7-2023 (n°2023-622)


Attention à rédiger ou traduire en français les documents relatifs à l’exécution du contrat de travail : à défaut, inopposabilité au salarié.

Aux termes de l’article L. 1321-6 du code du travail :

Principe : doit être rédigé en français tout document comportant des obligations pour le salarié ou des dispositions dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail.

Exception : les documents reçus de l’étranger ou destinés à des étrangers n’ont pas à être traduits.

Dans cette affaire, le plan de commissionnement d’un salarié était rédigé en anglais.

La Cour d’appel avait considéré que ce document était opposable au salarié, après avoir relevé que la langue de travail de l’entreprise est l’anglais, les échanges de mails produits entre les parties étant, pour la plupart, en anglais, y compris les documents de travail établis par le salarié.

La Cour de cassation censure cet arrêt en considérant simplement, en application de l’article ci-dessus, que le document, rédigé en anglais, n’était pas opposable au salarié. Le document n’avait pas été reçu de l’étranger.

Conséquence : l’employeur devait restituer au salarié une reprise de commission prélevée sur un bulletin de paie en application du plan de commissionnement.

Cass. soc. 7 juin 2023 n° 21-20.322