Actualité droit social

Représentants du personnel : le temps de trajet pour se rendre aux réunions doit être rémunéré comme du temps de travail effectif.

Selon l’article L. 2325-9 du code du travail, le temps passé aux séances du comité par les représentants syndicaux au comité d’entreprise est rémunéré comme temps de travail.

Un représentant du personnel résidant dans le sud de la France devait se rendre aux réunions du comité central d’entreprise à Paris. Il demandait en conséquence la rémunération de son temps de trajet comme du temps de travail effectif.

La Cour énonce que le représentant syndical au comité d’entreprise ne devant subir aucune perte de rémunération en raison de l’exercice de son mandat, le temps de trajet, pris en dehors de l’horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail.

Cass. soc. 21 avril 2022, n° 20-17038


En présence d’un chantage au paiement du salaire, la rupture conventionnelle doit être déclarée nulle.

Dans cette affaire, le salarié n’avait pas reçu de salaire depuis 4 mois lorsqu’il s’est vu proposer une rupture conventionnelle. L’arriéré s’élevait alors à 7 000 €. L’employeur a effectué un premier versement partiel de 1 500 € juste avant la signature de la convention de rupture, puis un second de 3 200 € pendant le délai de rétractation.

Pour la cour d’appel, la nullité de la rupture conventionnelle devait être prononcée en raison de l’existence d’une violence et d’un vice du consentement au moment de la signature de l’acte. En effet, l’employeur, qui ne payait plus le salarié depuis plusieurs mois, a contraint celui-ci à accepter la rupture par la promesse du versement de l’arriéré de salaire. La Cour estime que le salarié pouvait légitimement craindre qu’à défaut d’acceptation, il ne soit jamais réglé de ses salaires impayés.

CA Lyon 21 janvier 2022, n° 19/04124


Délai pour licencier pour faute grave : en cas d’absence du salarié, appréciation plus souple.

En principe, la faute grave étant celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise, la mise en oeuvre de la procédure de licenciement doit intervenir dans un délai restreint après que l’employeur a eu connaissance des faits reprochés.

L’employeur avait acquis une connaissance exacte des faits le 17 octobre 2014. Il avait ensuite convoqué la salariée à un entretien préalable au licenciement pour faute grave le 14 novembre 2014, soit près d’un mois après ce qui, en temps normal, est difficilement compatible avec la notion de faute grave.

Or, en l’espèce, le contrat de travail était suspendu depuis le 31 mai 2013, la salariée étant absente de l’entreprise, ce dont il résultait que l’écoulement de ce délai ne pouvait avoir pour effet de retirer à la faute son caractère de gravité.

Cass. soc., 9 mars 2022, 20-20.872


Doit être frappé de nullité le licenciement d’un salarié pour le simple usage de sa liberté d’expression.

Le salarié avait fait part de son désaccord sur les modalités d’intégration d’une société au sein d’une autre, dans des termes qui n’étaient pas outranciers ou injurieux.

La Cour avait considéré que le licenciement intervenu pour l’exercice par le salarié de sa liberté d’expression était sans cause réelle et sérieuse.

Cet arrêt est cassé, la Cour de cassation considérant qu’un tel licenciement devait être déclaré nul et pas simplement sans cause réelle et sérieuse.

Cass. soc., 16 février 2022, 19-17.871


Résiliation judiciaire du contrat de travail : la régularisation par l’employeur intervenue après un licenciement est sans incidence.

Dans cette affaire, le salarié avait demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison notamment du non-paiement d’heures supplémentaires. Un licenciement était ensuite intervenu, puis l’employeur avait réglé le salarié de ses heures supplémentaires avant l’audience de jugement.

Lorsqu’un salarié demande la résiliation de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur, et qu’il est licencié ultérieurement, le juge doit d’abord rechercher si la demande de résiliation judiciaire était justifiée. Pour apprécier si les manquements de l’employeur sont de nature à empêcher la poursuite du contrat de travail, il peut tenir compte de la régularisation survenue jusqu’à la date du licenciement.

En l’espèce, la régularisation étant intervenue après le licenciement, celle-ci était sans incidence sur l’appréciation de la résiliation judiciaire du contrat, même si le versement avait eu lieu avant l’audience de jugement.

Cass. soc., 2 mars 2022, n° 20-14.099


Licenciement sans cause réelle et sérieuse : le juge ne peut s’écarter du « barème Macron ».

L’article L. 1235-3 du code du travail, issu de l’ordonnance du 22 septembre 2017, met en place un barème applicable à la fixation par le juge de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle-ci devant être comprise entre des montants minimaux et maximaux, ces derniers variant, selon l’ancienneté du salarié, entre un et vingt mois de salaire brut.

Dans deux arrêts remarqués, la chambre plénière de la Cour de cassation énonce que ce barème s’impose au juge dans tous les cas, celui-ci ne pouvant être écarté pour incompatibilité avec des textes internationaux tels la Charte sociale européenne (art. 24) et l’article 10 de la Convention de l’OIT n° 158 sur le licenciement.

Cass. soc. 11 mai 2022, n° 21-15.247 et Cass. soc. 11 mai 2022, n° 21-14.490


Rupture conventionnelle : la clause de non-concurrence doit être levée au plus tard à la date de rupture fixée par les parties dans la convention.

Le salarié ne pouvant être laissé dans l’incertitude quant à l’étendue de sa liberté de travailler, la Cour de cassation énonce qu’en matière de rupture conventionnelle, l’employeur, s’il entend renoncer à l’exécution de la clause de non-concurrence, doit le faire au plus tard à la date de rupture fixée par la convention, nonobstant toutes stipulations ou dispositions contraires.

En l’espèce, la clause de non-concurrence insérée dans le contrat de travail a prévu, d’une part, qu’elle s’appliquerait pour une durée d’une année à compter de la rupture effective du contrat de travail, et d’autre part, que l’employeur aurait la faculté de se libérer de la contrepartie financière de cette clause en renonçant au bénéfice de cette dernière, par décision notifiée au salarié à tout moment durant le préavis ou dans un délai maximum d’un mois à compter de la fin du préavis (ou en l’absence de préavis, de la notification du licenciement).

La Cour de cassation considère que la date de rupture fixée par les parties dans la convention de rupture était le 5 mai 2015, ce dont il résultait que la renonciation par l’employeur au bénéfice de la clause de non-concurrence intervenue le 11 septembre 2015 était tardive.

Cass. soc. 26 janv. 2022 n° 20-15.755


L’obligation de reclassement doit être exécutée de manière loyale.

L’article L. 1226-12 du Code du travail dispose que l’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.

La présomption instituée par ce texte ne joue que si l’employeur a proposé au salarié, loyalement, en tenant compte des préconisations et indications du médecin du travail, un autre emploi approprié à ses capacités, aussi comparable que possible à l’emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.

Dans cette affaire, le médecin du travail, dès l’avis d’inaptitude, a mentionné le poste de conducteur d’engins comme une possibilité de reclassement. En réponse à une interrogation de l’employeur, il a écrit à ce dernier que les fortes secousses et vibrations étaient effectivement contre indiquées, mais que les niveaux d’exposition et de vibrations variaient selon le type d’engins, et lui a proposé de venir faire des mesures de vibrations, l’invitant par ailleurs à consulter des documents, un logiciel, et un guide de réduction des vibrations. Le médecin du travail citait au titre des postes envisageables, en premier, la conduite d’engins après évaluation du niveau de vibrations.

Or, l’employeur ne contestait pas qu’un poste de conducteur d’engins était disponible à proximité, que le salarié avait demandé à être reclassé sur un tel poste qu’il avait occupé de 1992 à 2011 et qu’il maîtrisait. L’employeur ne justifiait en outre d’aucune évaluation de ce poste avec le médecin du travail, comme celui-ci le lui proposait.

La Cour de cassation confirme donc l’arrêt d’appel qui avait énoncé que l’employeur n’avait pas loyalement exécuté son obligation de reclassement et d’avoir en conséquence jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse.

Cass. soc. 26 janv. 2022 n° 20-20.369


Lanceur d’alerte : nullité du licenciement d’un salarié ayant dénoncé des infractions pénales de l’employeur.

En raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales ou des manquements à des obligations déontologiques prévues par la loi ou le règlement, est frappé de nullité.

Dans cette affaire, la lettre de licenciement reprochait expressément à un expert-comptable salarié d’avoir menacé son employeur de saisir la compagnie régionale des commissaires aux comptes de l’existence dans la société d’une situation de conflit d’intérêts à la suite de cas d’auto-révision sur plusieurs entreprises, situation prohibée par le code de déontologie de la profession, dont il l’avait préalablement avisé. Le licenciement est frappé de nullité.

Cass. soc. 19 janv. 2022 n° 20-10.057


L’employeur ne peut revenir sur une situation de télétravail acceptée pendant plusieurs années.

Alors qu’elle avait accepté pendant plusieurs années que le salarié ne se rende qu’épisodiquement au siège de l’entreprise, la société a modifié un élément essentiel du contrat de travail en lui imposant d’être présent au siège deux jours par semaine.

Cette modification du lieu d’exécution de la prestation de travail était en effet de nature à bouleverser non seulement l’organisation professionnelle du salarié mais également ses conditions de vie personnelle puisqu’elle le contraignait à dormir à l’hôtel deux nuits par semaine et à voyager le dimanche. Cette modification du contrat de travail ne pouvait être unilatéralement décidée par l’employeur.

La Cour considère donc que le salarié était donc en droit de refuser la mise en place de la modification litigieuse.

CA Orléans 7 déc. 2021 n° 19/01258