Actualité droit social

Employeurs : mise à jour obligatoire du règlement intérieur pour intégrer le dispositif de protection des lanceurs d’alerte.

La loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte prévoit l’obligation pour les employeurs de rappeler dans le règlement intérieur l’existence du dispositif de protection des lanceurs d’alerte afin d’assurer l’information des salariés sur le sujet (Code du travail, art. L 1321-2). Cette disposition entre en vigueur le 1er septembre 2022, date à laquelle le règlement intérieur doit avoir été mis à jour.

L’employeur n’a pas à reproduire intégralement la teneur de de ce dispositif dans le règlement intérieur, mais simplement d’en rappeler l’existence.


Annulation de rupture conventionnelle : l’employeur doit prouver que le mensonge du salarié a été déterminant dans son consentement.

Un salarié avait demandé une rupture conventionnelle en faisant état d’un projet de reconversion professionnelle.

La Cour d’appel avait annulé la rupture en considérant que le véritable motif de la rupture conventionnelle était l’embauche du salarié par la concurrence comme directeur commercial et non un supposé projet de reconversion professionnelle, et que le fait d’avoir invoqué ce projet fallacieux tout en faisant abstraction de son embauche par une société concurrente pour obtenir l’accord de son employeur était une manoeuvre constitutive d’un dol au préjudice de ce dernier.

La Cour de cassation casse cet arrêt en considérant que la Cour d’appel aurait dû constater que le projet de reconversion professionnelle présenté par le salarié à son employeur avait déterminé le consentement de ce dernier à la rupture conventionnelle.

Ainsi, pour obtenir l’annulation d’une rupture conventionnelle, il ne suffit pas de prouver un mensonge du salarié, mais établir que celui-ci a été déterminant dans la volonté de conclure la rupture conventionnelle.

Cass. soc. 11 mai 2022 n° 20-15.909


Offre de reclassement : faute de précision de la rémunération, le licenciement économique est sans cause réelle et sérieuse.

Dans le cadre d’un licenciement pour motif économique, les offres de reclassement adressées au salarié doivent être écrites et précises (art. L. 1233-4 du code du travail).

La cour d’appel, qui a constaté que les offres de reclassement adressées par l’employeur au salarié ne comportaient aucune indication relative à la rémunération, alors qu’il ne ressortait pas des mesures prévues par le plan de sauvegarde de l’emploi que le salarié bénéficierait du maintien de son niveau de rémunération pour toute offre de reclassement qui lui serait proposée, a, à bon droit, retenu que l’employeur n’avait pas adressé des offres de reclassement suffisamment précises, et a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision de considérer le licenciement comme étant sans cause réelle et sérieuse.

Cass. soc. 15 juin 2022 n° 21-10.676


Licenciement économique : une même offre de reclassement peut être proposée à plusieurs salariés.

La Cour d’appel avait considéré que le fait d’adresser à plusieurs salariés les mêmes offres de reclassement constituait un manquement à l’obligation de reclassement et privait le licenciement de cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation énonce cependant que l’employeur a l’obligation de proposer aux salariés concernés tous les postes disponibles susceptibles de répondre aux conditions légales, quand bien même cela le conduirait à proposer le même poste à plusieurs salariés. En conséquence, l’arrêt d’appel, qui a ajouté à la loi une condition qu’elle ne comporte pas, devait être cassé.

Cass. soc. 11 mai 2022 n° 21-15.250


Frais de transport : l’éloignement géographique ne peut justifier un refus de remboursement des transports en commun.

Face à l’essor du télétravail et à la volonté des salariés d’habiter loin de leur lieu de travail, l’employeur (une grande banque) avait considéré que le remboursement des frais de transport ne pouvait être assuré dans les mêmes conditions qu’auparavant et avait fixé un critère géographique : justifier d’une durée de transport Paris-province inférieure à 4 heures par jour aller-retour.

Cependant, les articles L 3261-2 et R 3261-1 du Code du travail prévoient que l’employeur doit prendre en charge 50 % du coût des titres d’abonnement souscrits pas ses salariés pour les déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélo. Un usage au sein de l’entreprise prévoyait en outre une prise en charge par l’employeur à hauteur de 60 % du coût des titres de transport.

Le tribunal judiciaire a considéré que le critère géographique contrevenait à la liberté de l’établissement de son domicile au lieu de son choix et a par conséquent condamné l’employeur à respecter l’obligation de remboursement des frais de transport conformément au Code du travail et à l’usage interne (60 %) sans faire de distinction en raison de l’éloignement de la résidence habituelle des salariés.

TJ Paris du 5-7-2022 n° 22/04735


La reprise du travail au cours de la mise à pied conservatoire n’a pas pour effet de requalifier celle-ci en mise à pied disciplinaire.

Dans cette affaire, l’employeur avait, par courrier du 18 avril 2016, convoqué le salarié à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 3 mai 2016, en même temps qu’elle lui notifiait sa mise à pied conservatoire. Le salarié a néanmoins repris le travail dès le 21 avril 2016. Il a ensuite été licencié pour faute grave le 24 mai suivant.

La Cour d’appel avait considéré qu’ayant été interrompue par la reprise du travail pour le compte de l’employeur, la mise à pied devait être requalifiée en mise à pied disciplinaire et que le licenciement ne pouvait donc pas être justifié par les faits ainsi déjà sanctionnés.

La Cour de cassation énonce cependant que le fait pour l’employeur de renoncer à la mise à pied conservatoire, en demandant au salarié de reprendre le travail, n’a pas pour effet de requalifier la mesure en mise à pied disciplinaire. Cela ne l’empêche pas non plus de notifier un licenciement dont la procédure avait été engagée dans le même temps que la mise à pied.

Il faut préciser cependant que la faute grave, supposant impossible le maintien même temporaire du contrat de travail, semble pouvoir être difficilement validée dans ce contexte.

Cass. soc. 18 mai 2022 n° 20-18.717


Représentants du personnel : les heures de délégation doivent être réglées à l’échéance normale, même si l’employeur conteste leur nombre.

Pour la Cour de cassation, les retenues sur le salaire mensuel d’un salarié au titre des heures de délégation, caractérisent l’existence d’un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser par le remboursement des retenues ainsi opérées, peu important l’existence de la contestation sérieuse élevée par l’employeur selon laquelle les mandats représentatifs du salarié ne couvraient plus l’intégralité de son temps de travail.

Ainsi, les heures de délégation doivent être payées à l’échéance, même s’il existe un litige sur leur nombre. Le juge des référés peut en ordonner le règlement.

En revanche, ce refus ne justifie pas, à lui seul, le versement de dommages-intérêts au salarié.

Cass. soc. 1er juin 2022 n° 20-16.836


Requalification d’une relation contractuelle : prescription de 5 ans

La Cour de cassation énonce que l’action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, en contrat de travail, revêt le caractère d’une action personnelle, qui relève de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil, et non de la prescription de 2 ans énoncée par l’article L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail.

Le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C’est en effet à cette date que le titulaire connaît l’ensemble des faits lui permettant d’exercer son droit.

Cass. soc 11 mai 2022 n° 20-14.421
Cass. soc 11 mai 2022 n° 20-18.084


Paiement du salaire : la preuve incombe à l’employeur.

Dans cette affaire, la Cour d’appel avait débouté la salariée de sa demande en paiement de primes pour les années 2018 et 2019, en retenant que celle-ci ne versait aux débats aucun de ses bulletins de salaire antérieurs ou postérieurs à l’année 2018 et ainsi ne démontrait pas avoir été privée du versement de cette prime.

La Cour de cassation énonce que, alors que la Cour d’appel ne remettant pas en cause l’existence de la prime revendiquée, il incombait à l’employeur de rapporter la preuve de son paiement. La Cour de cassation a ainsi estimé que la Cour d’appel avait inversé la charge de la preuve en la faisant peser sur la salariée, et que son arrêt devait donc être cassé.

Cass. soc. 21 avril 2022, n° 20-22.826


L’indemnisation du dépassement du temps normal de trajet domicile-travail ne doit pas être dérisoire.

Selon l’article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière.

Dans cette affaire, l’employeur avait institué une « franchise », consistant à ne pas indemniser 2 heures de temps de déplacement.

La Cour considère que ce système d’indemnisation, en raison de son caractère dérisoire, méconnaissait l’article L. 3121-4 du Code du travail.

Cass. soc., 30 mars 2022, n° 20-15.022