En cas de concours entre les stipulations contractuelles et les dispositions conventionnelles, les avantages ayant le même objet ou la même cause ne peuvent, sauf stipulations contraires, se cumuler, le plus favorable d’entre eux pouvant seul être accordé.
Pour débouter l’employeur de sa demande de remboursement de la prime d’assiduité, l’arrêt d’appel avait retenu que :
– la prime de production, qui est une prime forfaitaire journalière basée sur la présence du salarié à son poste de travail, concernant tous les salariés ayant plus d’un an d’ancienneté et dont le montant dépend du niveau et de l’échelon ainsi que de la gratification annuelle, pouvant varier en fonction de la valeur du salarié, appréciée par le responsable d’exploitation selon certains critères,
– n’avait pas le même objet que la prime d’assiduité versée par l’employeur, fondée sur la présence du salarié à son poste.
La Cour de cassation censure cependant la Cour d’appel, dans la mesure où cette dernière n’avait pas suffisamment caractérisé que les primes de production et d’assiduité n’avaient pas le même objet.
Cass. soc., 11 mai 2022, n° 21-11.240
L’article L. 3171-4 dispose qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Pour la Cour de cassation, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande de paiement d’heures supplémentaires, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Dans ces affaires, la Cour avait considéré comme suffisamment précis la production par le salarié d’un simple décompte des heures effectuées, l’employeur devant alors fournir des éléments de nature à justifier les horaires du salarié.
Cass. soc., 11 mai 2022, n° 20-17763 ; Cass. soc., 13 avril 2022, 20-17.896
La promesse unilatérale de contrat de travail est le contrat par lequel une partie, le promettant, accorde à l’autre, le bénéficiaire, le droit d’opter pour la conclusion d’un contrat de travail, dont l’emploi, la rémunération et la date d’entrée en fonction sont déterminés, et pour la formation duquel ne manque que le consentement du bénéficiaire.
La rupture abusive d’une promesse d’embauche ouvre droit au versement notamment d’une indemnité compensatrice de préavis et de dommages-intérêts pour rupture abusive.
La Cour de cassation énonce cependant qu’en l’absence d’accord sur la part variable de la rémunération, une proposition ne pouvait être qualifiée de promesse d’embauche et ne valait donc pas contrat de travail. Aucune rupture abusive ne pouvait donc être reprochée à l’employeur.
Cass. soc., 13 avril 2022, 20-22.454
Un assuré avait saisi une juridiction de sécurité sociale d’une demande en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.
La Cour d’appel avait jugé ses demandes irrecevables au motif qu’il demandait la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur alors qu’il n’avait jamais préalablement demandé auprès de la caisse la prise en charge de sa pathologie au titre de la législation professionnelle.
La Cour de cassation énonce cependant qu’en application de l’article L. 452-1 du code de la sécurité sociale, la reconnaissance de la faute inexcusable de l’employeur, qui est indépendante de la prise en charge au titre de la législation professionnelle, n’implique pas que l’accident ou la maladie ait été préalablement déclaré à la caisse par la victime. La juridiction de sécurité sociale est en effet en mesure, après débat contradictoire, de rechercher si l’accident ou la maladie présente un caractère professionnel, et si l’assuré établit avoir été victime d’une faute inexcusable de l’employeur.
L’arrêt d’appel est donc cassé.
Cass. 2e civ. 7 avril 2022 n° 20-21.906
Une infirmière licenciée pour faute grave contestait son licenciement au motif que celui-ci était motivé par la référence aux dossiers médicaux de plusieurs résidents, dont la mention de la première lettre du nom ne garantissait pas selon elle un parfait anonymat.
La Cour de cassation rappelle qu’en application des articles L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique, le secret professionnel est institué dans l’intérêt des patients. Il s’agit d’un droit propre au patient instauré dans le but de protéger sa vie privée et le secret des informations le concernant.
La Cour estime qu’un salarié professionnel de santé, participant à la transmission de données couvertes par le secret, ne peut donc se prévaloir, à l’égard de son employeur, d’une violation du secret médical pour contester le licenciement fondé sur des manquements à ses obligations ayant des conséquences sur la santé des patients.
Cass. soc., 15 juin 2022 n° 20-21.090
La Cour d’appel avait jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement d’un salarié, à l’encontre duquel l’employeur s’était prévalu d’agissements de harcèlement moral envers une de ses collègues. La Cour d’appel avait écarté des débats une enquête interne sans l’examiner, au motif que celle-ci, diligentée par l’employeur après la dénonciation de faits par cette collègue, avait été confiée, non pas au CHSCT, mais à la direction des ressources humaines et que huit personnes seulement avaient été interrogées, sur les vingt composant le service et sans que soient connus les critères objectifs ayant présidé à la sélection des témoins.
La Cour de cassation casse cet arrêt en considérant que cet élément de preuve n’aurait pas dû être écarté par la Cour d’appel, qui aurait donc dû l’examiner, en application de l’article 455 du Code de procédure civile.
Cass. soc. 1 juin 2022 n° 20-22.058
Une représentante du personnel avait fait l’objet d’un avertissement pour non-respect réitéré des règles de sécurité et de confidentialité, à l’occasion d’une réunion du comité d’entreprise européen auquel elle participait. Elle a demandé en justice l’annulation de cette sanction, ce qu’elle n’a pas obtenu.
Aux termes de l’article L. 2342-10, 2°, du code du travail, les membres du comité d’entreprise européen sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par l’employeur.
La Cour de cassation rappelle que revêtent un caractère confidentiel au sens du texte précité les informations qui sont de nature confidentielle au regard des intérêts légitimes de l’entreprise, ce qu’il appartient à l’employeur, en cas de contestation, d’établir.
La salariée avait établi la liste des questions qu’elle souhaitait soumettre au comité d’entreprise européen sur l’ordinateur portable du comité et non pas sur son blackberry sécurisé mis à sa disposition par l’employeur, puis, ayant transféré le document sur la clé USB du même comité, elle l’a imprimé sur l’imprimante de l’hôtel à Londres plutôt que de recourir à un ordinateur de l’employeur permettant une impression sécurisée à distance.
L’arrêt relève que le document ainsi imprimé contenait des informations relatives notamment à la situation financière de l’une des agences située en Grèce, aux stratégies envisagées dans le cadre du projet de création d’une succursale en Grèce ainsi qu’aux modalités de prise en charge des litiges en cours, que ces informations qui concernent la gestion interne de l’entreprise ainsi que ses projets de développement revêtent un caractère confidentiel et que, selon le procès-verbal d’une réunion du comité central d’entreprise à laquelle la salariée a participé, le sujet « est encore sous embargo » et « les informations doivent donc rester strictement confidentielles ».
La Cour de cassation valide la sanction en considérant que le document litigieux avait été imprimé en méconnaissance des règles de confidentialité et de sécurité informatique destinées à assurer, vis à vis des tiers non autorisés, la sécurité des informations, d’autre part que certaines des informations figurant sur ce document revêtaient, en raison de leur nature et de leur contenu, un caractère confidentiel au regard des intérêts légitimes de l’entreprise, et que ces informations avaient été préalablement présentées comme telles par l’employeur.
Cass. soc. 15 juin 2022 n° 21-10.366
Aux termes de l’article L. 1233-3 du Code du travail, les difficultés économiques peuvent être caractérisées, notamment, par une baisse significative des commandes ou du chiffre d’affaires, laquelle est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l’année précédente, égale à :
– Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
– Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
– Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d’au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
– Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus.
La Cour de cassation précise que cette baisse s’apprécie en comparant le niveau des commandes ou du chiffre d’affaires au cours de la période contemporaine de la notification de la rupture du contrat de travail par rapport à celui de l’année précédente à la même période.
Dans cette affaire, la durée de la baisse du chiffre d’affaires, en comparaison avec la même période de l’année précédente, n’égalait pas quatre trimestres consécutifs précédant la rupture du contrat de travail pour cette entreprise de plus de trois cents salariés. L’arrêt d’appel est donc cassé.
Cass. soc. 1 juin 2022 n° 20-19.957
Une directive européenne de 2019, applicable en France depuis le 1er août 2022, a étendu la liste des informations à transmettre au travailleur lors de son embauche et a raccourci leur délai de transmission.
Outre les salariés, sont dorénavant visés les stagiaires, les apprentis et les travailleurs des plateformes de mise en relation.
L’employeur conserve l’obligation d’informer le travailleur sur l’identité des parties, le lieu de travail, le poste (titre, grade, qualité ou catégorie d’emploi), la date de début du contrat, la durée des congés payés et des délais de préavis, la rémunération (montant de base, éléments constitutifs, périodicité et mode de versement), et les conventions et accords collectifs applicables.
La directive de 2019 (applicable au 1er août 2022) ajoute les informations suivantes : la durée et les conditions de la période d’essai, le droit à la formation, la procédure complète à respecter en cas de rupture de la relation contractuelle (délai de préavis…), l’identité des organismes de sécurité sociale percevant les cotisations de sécurité sociale et la protection sociale fournie par l’employeur (incluant la couverture par les régimes complémentaires).
La directive prévoit également une information plus détaillée concernant la durée du travail et en cas de contrat temporaire.
Au lieu des 2 mois applicables jusqu’alors, la nouvelle directive fixe les délais suivants :
– Première semaine de travail pour les informations relatives à l’identité des parties, au lieu de travail, au poste, aux dates de début et de fin de la relation de travail, à la durée de la période d’essai, à la rémunération et à la durée du travail,
– Un mois concernant les autres informations.
La communication peut avoir lieu sous forme électronique.
Directive 2019/1152 du 20 juin 2019, applicable en France au 1er août 2022
La Cour d’appel avait considéré que, quelle que soit l’origine de l’inaptitude, l’employeur a l’obligation de solliciter l’avis du comité social et économique, que la consultation doit être faite même en l’absence de possibilité de reclassement et que le défaut de consultation des délégués du personnel est sanctionné à l’article L. 1226-15 du code du travail. L’employeur avait été condamné à une indemnité pour licenciement nul.
La Cour de cassation casse cet arrêt au motif que lorsque l’avis du médecin du travail mentionne que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, le CSE n’a pas à être consulté. Il en est de même lorsque l’avis d’inaptitude mentionne que tout maintien dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé.
Il s’agit d’un important revirement de jurisprudence.
Cass. soc. 8 juin 2022, n° 20-22.500