La Cour de cassation énonce que le préjudice spécifique de contamination par le virus de l’hépatite C comprend l’ensemble des préjudices de caractère personnel tant physiques que psychiques résultant du seul fait de la contamination virale, à savoir notamment :
– Les perturbations et craintes éprouvées, toujours latentes, concernant l’espérance de vie ainsi que la crainte des souffrances,
– Le risque de toutes les affections opportunistes consécutives à la découverte de la contamination,
– Les perturbations de la vie sociale, familiale et sexuelle,
– Les souffrances, le préjudice esthétique et le préjudice d’agrément provoqués par les soins et traitements subis pour combattre la contamination ou en réduire les effets.
La Cour en déduit qu’en condamnant les défendeurs à payer à la victime une indemnité au titre des souffrances endurées et une indemnité au titre du préjudice spécifique de contamination incluant les souffrances, la cour d’appel a réparé deux fois les éléments d’un même préjudice.
Cass. 1ère civ., 28 novembre 2018, n° 12-28272
Le Conseil national de l’ordre des médecins a confirmé, en janvier 2019, la suspension d’un chirurgien orthopédique grenoblois pour une durée de trois ans, dont 18 mois avec sursis. Il lui est aussi demandé de rembourser 35 000 euros à la Caisse d’assurance maladie.
Cette décision fait suite à une plainte initiale déposée en 2016 par l’Assurance maladie de l’Isère portant sur 54 dossiers de patients de ce médecin qui, entre 2013 et 2014, « ont été opérés sans justification médicale, ce qui les a exposés à un risque injustifié », d’après le rapport du Conseil de l’ordre.
Le Conseil de l’ordre précisait notamment dans ses conclusions que « le médecin n’aurait pas respecté une technique opératoire conforme aux recommandations de bonnes pratiques de la Haute Autorité de santé sur la pertinence de la chirurgie des lombalgies ».
Certains des patients plaignants ont dû subir une amputation et d’autres doivent désormais se déplacer en fauteuil roulant.
D’anciens patients ont déposé plainte auprès du Procureur de la République dans l’espoir que des poursuites pénales soient engagées contre lui.
La fille d’une patiente nonagénaire, résidente dans un EHPAD du Larmont à Doubs avait contacté l’Agence Régionale de Santé (ARS) de Bourgogne Franche-Comté car elle s’étonnait des conditions dans lesquelles sa mère était décédée.
L’ARS a ouvert une enquête administrative et pratiqué une inspection courant décembre 2018, avant de saisir la justice. Une enquête a été ouverte pour homicide involontaire par le parquet de Besançon. L’enquête menée a dévoilé deux constats inquiétants : un taux de décès plus important que la moyenne nationale au sein de cet Ehpad et une consommation inhabituelle de midalozam, substance permettant une sédation profonde. Ce médicament est utilisé dans les blocs opératoires dans le cadre de l’anesthésie. C’est également un médicament administré à l’hôpital et par des équipes de soins palliatifs. En principe, ce produit ne doit pas être utilisé de façon autonome dans un Ehpad car à partir d’une certaine dose, il provoque le décès.
Le tribunal de grande instance de Lyon (chambre civile) a rendu le 5 mars 2019 un jugement énonçant qu’aucune une faute délictuelle du laboratoire n’est établie en l’espèce. Selon le tribunal, ce dernier a travaillé en étroite collaboration avec les autorités sanitaires françaises afin que son médicament, le Lévothyrox, puisse être autorisé à la distribution au public.
Cette décision est le résultat d’une action collective déposée par plus de 4000 plaignants à la suite de l’introduction sur le marché de la nouvelle formule du Lévothyrox à compter de 2017.
Le tribunal légitime par ailleurs son maintien sur le marché français car il considère que « la qualité et la valeur thérapeutique du médicament étaient « certaines » et que la notice relative aux informations dudit médicament était « suffisamment précise et pertinente ».
Les plaignants contestaient le bien-fondé de ces informations en invoquant l’occurrence d’effets secondaires nuisibles au quotidien (maux de tête, vertige, etc.).
Une équipe de scientifiques de l’université de Toulouse a publié le 4 avril 2019 une nouvelle étude sur la nouvelle formule du Levothyrox, publiée dans la revue Clinical Pharmacokinetics Selon ces chercheurs, il existe bel et bien des différences entre l’ancien et le nouveau Levothyrox.
Dans cette affaire, la patiente avait donné naissance par voie basse à un enfant au sein d’une clinique, l’accouchement ayant été déclenché et réalisé par le gynécologue obstétricien d’astreinte, exerçant à titre libéral.
L’enfant a conservé des séquelles liées à une atteinte du plexus brachial.
Les parents ont assigné le praticien en responsabilité et indemnisation en se prévalant de différentes fautes dans la conduite de l’accouchement et d’un défaut d’information. Le praticien a été condamné à réparer l’ensemble des préjudices consécutifs à l’absence fautive de réalisation d’une césarienne malgré une macrosomie fœtale.
Sur l’obligation d’information, la Cour d’appel avait écarté toute réparation à ce titre, en considérant que l’affaire en cause concerne non pas un acte de soins qui aurait été pratiqué sans le consentement éclairé de la patiente, mais un accouchement par les voies naturelles en présence d’une macrosomie foetale et qu’était seule légalement due à la patiente une information sur les modalités du déclenchement de l’accouchement.
Cet arrêt est cassé, la Cour de cassation estimant que la circonstance que l’accouchement par voie basse constitue un événement naturel et non un acte médical ne dispense pas le professionnel de santé de l’obligation de porter, le cas échéant, à la connaissance de la femme enceinte les risques qu’il est susceptible de présenter eu égard notamment à son état de santé, à celui du foetus ou à ses antécédents médicaux, et les moyens de les prévenir ; qu’en particulier, en présence d’une pathologie de la mère ou de l’enfant à naître ou d’antécédents médicaux entraînant un risque connu en cas d’accouchement par voie basse, l’intéressée doit être informée de ce risque ainsi que de la possibilité de procéder à une césarienne et des risques inhérents à une telle intervention.
La Cour de cassation ajoute que le défaut d’information cause à celui auquel l’information est due, quand le risque se réalise, un préjudice moral distinct des atteintes corporelles subies. Ce préjudice moral s’analyse en un défaut de préparation à l’éventualité que ce risque survienne.
Civ. 1re, 23 janv. 2019, n° 18-10706