Un fait tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier une sanction ou un licenciement disciplinaire :
– s’il se rattache à la vie professionnelle du salarié. Exemple : : coups et blessures envers un subordonné à l’extérieur des locaux de l’entreprise en dehors des heures de travail, mais à l’occasion de la récupération d’un véhicule de l’entreprise à son domicile (Cass. soc. 6-2-2002 n° 99-45.418).
– S’il caractérise un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail, comme une obligation de sécurité. Exemple : salarié ayant laissé son chien dans son véhicule sur le parking de l’entreprise de son lieu de travail pendant 3 heures, puis l’ayant laissé s’échapper : l’animal a alors mordu une salariée qui sortait de l’entreprise (Cass. soc., 4 octobre 2011, 10-18.862).
Autre critère de rattachement à la vie professionnelle : le trouble objectif causé au bon fonctionnement de l’entreprise (motif non disciplinaire). Exemples :
– salarié condamné pour agression sexuelle sur mineur dans un cadre autre que professionnel. A son retour dans l’entreprise, de nombreux salariés ont refusé de travailler avec lui, n’hésitant pas à faire grève : le trouble objectif est caractérisé (Cass. soc., 13 avril 2023, 22-10.476)
– Retrait ou suspension du permis de conduire lorsque le salarié conduit en dehors de son temps de travail : si l’utilisation du véhicule est nécessaire à l’exécution de la mission du salarié, le trouble objectif est caractérisé et le licenciement est possible.
L’assemblée plénière de la Cour de cassation vient d’opérer un revirement important, alignant la position en matière civile tant avec le droit européen qu’avec le droit pénal.
Était en cause la production par l’employeur de l’enregistrement, effectué à l’insu du salarié, de l’entretien préalable à licenciement, au sein duquel le salarié avait expressément refusé de fournir à son employeur le suivi de son activité commerciale.
Jusqu’à maintenant, de telles preuves étaient écartées systématiquement des débats au motif qu’elles avaient été obtenues à l’insu de l’autre partie, donc de manière déloyale, ce qu’avait d’ailleurs fait la Cour d’appel.
L’arrêt d’appel est cassé par la Cour de cassation : est abandonné un tel rejet systématique des preuves illicites ou déloyales au profit d’une position plus nuancée.
La Cour de cassation énonce ainsi que le juge doit alors apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits contraires en présence.
Ainsi, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Cass., Ass. plénière, 22 déc. 2023, n° 20-20.648
A noter que dans un autre arrêt du même jour, la Cour de cassation a confirmé le rejet des débats de la capture d’écran à l’insu du salarié d’une conversation tirée d’un compte Facebook aux termes de laquelle le salarié sous-entendait, dans des termes insultants, que la promotion dont avait bénéficié un intérimaire était liée à son orientation sexuelle et à celle de son supérieur hiérarchique. La Cour de cassation rappelle que le motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut justifier un licenciement disciplinaire que s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.
Une infirmière licenciée pour faute grave contestait son licenciement au motif que celui-ci était motivé par la référence aux dossiers médicaux de plusieurs résidents, dont la mention de la première lettre du nom ne garantissait pas selon elle un parfait anonymat.
La Cour de cassation rappelle qu’en application des articles L. 1110-4 et R. 4127-4 du code de la santé publique, le secret professionnel est institué dans l’intérêt des patients. Il s’agit d’un droit propre au patient instauré dans le but de protéger sa vie privée et le secret des informations le concernant.
La Cour estime qu’un salarié professionnel de santé, participant à la transmission de données couvertes par le secret, ne peut donc se prévaloir, à l’égard de son employeur, d’une violation du secret médical pour contester le licenciement fondé sur des manquements à ses obligations ayant des conséquences sur la santé des patients.
La décision définitive de relaxe dont avait bénéficié la salariée, poursuivie pour vols, était motivée par le fait que les articles en cause, qui étaient les mêmes que ceux visés dans la lettre de licenciement, avaient été retirés de la vente et mis à la poubelle dans l’attente de leur destruction, car impropres à la consommation.
Le licenciement de la salariée, fondé sur les mêmes faits, était alors automatiquement sans cause réelle et sérieuse.
Un directeur de deux foyers de travailleurs migrants, chargé de l’encaissement des redevances locatives pour l’association, avait cessé depuis près de 14 mois de régler ses propres loyers relatifs au logement occupé dans un des foyers, malgré des rappels et des procédures contentieuses.
La Cour de cassation a considéré que ces faits, même s’ils relevaient de la vie privée du salarié, caractérisaient un trouble objectif à l’entreprise et a en conséquence validé le licenciement. Cass. soc., 11 avril 2012, n° 10-25764
Dans ces deux affaires, en l’absence d’intention de nuire caractérisée, la Cour de cassation a cassé les arrêts de Cour d’appel qui avaient retenu la faute lourde :
– Fait pour un supérieur de donner pour consigne à des salariés de ne pas entrer en comptabilité des sommes versées en espèces par les clients mais de les lui remettre, de les utiliser à des fins contraires aux intérêts de l’entreprise pour la rémunération occulte de certains salariés ou le paiement en espèces de fournisseurs de l’entreprise, ce qui exposait celle-ci à des poursuites fiscales ou pénales, ou à des redressements effectués par les organismes de protection sociale (Cass. soc., 28 mars 2012, n° 10-28650),
– Stratagème délibérément mis en œuvre par une salariée, avec les membres de sa famille, afin d’obtenir paiement d’heures de travail inexistantes ou à en augmenter artificiellement le nombre (Cass. soc., 12 avril 2012, n° 11-12483).
Ne constitue cependant pas une sanction disciplinaire la retenue effectuée par un employeur sur le salaire en raison de l’absence du salarié et à proportion du temps de retard dans la prise de poste. Cass. soc., 21 mars 2012, n° 10-21097
Un salarié avait été absent sans justification pendant deux semaines. L’employeur lui avait demandé de reprendre le travail, ce qu’avait finalement fait le salarié.
Il en résultait, selon la Cour de cassation, que le comportement du salarié n’empêchait pas la poursuite du contrat de travail, ce qui excluait la faute grave. Cass. soc., 29 févr. 2012, n° 10-23183