Actualité droit social

Les limites à l’insolence du salarié

Est nul le licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice, par le salarié, de sa liberté d’expression.

Pour la Cour de cassation, si les propos en cause ne sont pas injurieux, diffamatoires ou excessifs, il n’y a pas abus de la liberté d’expression.

La Cour d’appel avait conclu à un abus de la liberté d’expression, car la salariée avait :

– manifesté un désaccord persistant malgré l’accord d’entreprise concernant les congés et les nombreuses réponses claires de l’employeur pour l’expliquer, ce qui a eu un impact sur le fonctionnement de la société,
– posé des ultimatums à son supérieur hiérarchique et qualifié les réponses de son président comme étant « de grandes réticences et incompréhensions »,
volontairement refusé d’appliquer l’organisation en revendiquant des droits pour prendre ses congés non prévus dans l’accord d’entreprise, et ce de manière récurrente et insistante.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en énonçant que la cour d’appel s’était abstenue de caractériser en quoi les propos du salarié avaient été injurieux, diffamatoires ou excessifs, posant en ces termes les limites à la liberté d’expression.

Cass. soc., 11 oct. 2023, n° 22-15.138


Quand une condamnation pour agression sexuelle dans la vie privée entraîne un licenciement.

Le salarié, qui exerçait les fonctions de vigneron tractoriste, était par ailleurs, dans la même ville, entraîneur de football, activité dans le cadre de laquelle il a été déclaré coupable d’agression sexuelle sur mineur.

Lors de son retour dans l’entreprise après son incarcération, une quarantaine de salariés a manifesté son refus de travailler avec lui et, le lendemain, les salariés ont de nouveau manifesté leur désaccord avec le retour de l’intéressé, n’hésitant pas à faire grève pour être entendus par leur employeur.

L’employeur l’a alors licencié en raison du trouble causé par son retour dans l’entreprise.

Les juridictions successives ont considéré que la condamnation pénale du salarié avait créé un trouble objectif au bon fonctionnement de l’entreprise et justifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse. Cass. soc., 13 avril 2023, 22-10.476

Il s’agit d’une illustration du principe jurisprudentiel selon lequel, si, en principe, il ne peut être procédé à un licenciement pour un fait tiré de la vie privée, il en va autrement lorsque le comportement de celui-ci a créé un trouble caractérisé au sein de l’entreprise.


Fichiers pornos stockés sur le poste de travail : licenciement possible ?

Non. La seule conservation par le salarié sur son poste informatique de quelques fichiers contenant des photos à caractère pornographique sans caractère délictueux ne constitue pas, en l’absence de constatation d’un usage abusif affectant son travail, un manquement du salarié susceptible de justifier son licenciement (Cass. soc. 8 décembre 2009, n° 08-42.097).

Il en va autrement en cas de diffusion de tels fichiers au sein de l’entreprise. La faute grave a été validée dans les cas suivants :

– Fait pour un salarié de choquer la pudeur de plusieurs collègues femmes en les invitant à regarder sur son ordinateur des films pornographiques, en leur adressant des e-mails inconvenants et en ayant des gestes déplacés (Cass. soc. 9 février 2010 n° 08-44.632).

– Fait pour un salarié de transmettre par courriel à plusieurs personnes, certaines étant extérieures à l’entreprise, des photomontages associant le logo de l’entreprise à des images pornographiques (CA Dijon 2-5-2013 n° 12/00742).

– Salarié faisant parvenir une photo de ses parties intimes assortie d’insultes à ses collègues, la faute grave ayant été retenue même si le message a été envoyé en dehors du temps et du lieu de travail (CA Aix-en-Provence 20-12-2019 n° 17/06193).


Système de vidéo-surveillance : pas besoin d’information préalable des salariés lorsque celui-ci est seulement destiné à sécuriser une zone et non surveiller l’activité des salariés.

En application de l’article L. 1222-4 du code du travail, si l’employeur a le droit de contrôler et de surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut être autorisé à utiliser comme mode de preuve les enregistrements d’un système de vidéo-surveillance permettant le contrôle de leur activité, dont les salariés n’ont pas été préalablement informés de l’existence.

Un système de vidéo-surveillance avait été mis en place dans le but de sécuriser une zone de stockage de l’entreprise non ouverte au public ainsi que le couloir y donnant accès, et permettait de visualiser les portes des toilettes. Ce système avait révélé qu’un salarié s’était livré à des pratiques de voyeurisme dans les toilettes pour femmes. Celui-ci avait en conséquence été licencié pour faute grave.

La Cour d’appel avait considéré que, même si le dispositif n’avait pas été installé dans le but de contrôler les salariés mais uniquement pour sécuriser une zone de stockage, l’employeur aurait dû informer les salariés de son existence.

La Cour de cassation casse cet arrêt en considérant que seuls les dispositifs de contrôle de l’activité des salariés doivent donner lieu à une information préalable des salariés.

L’employeur était donc fondé à utiliser les vidéos ainsi réalisées comme moyen de preuve des faits fondant le licenciement.

Cass. soc. 22 sept. 2021 n° 20-10.843


Grève : les actions de blocage des accès aux postes de travail justifient le licenciement d’un salarié protégé.

Les salariés protégés ne peuvent être licenciés qu’avec l’autorisation de l’inspecteur du travail. Lorsque le licenciement d’un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l’intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande est motivée par un comportement fautif, il appartient à l’inspecteur du travail saisi de rechercher, sous le contrôle du juge de l’excès de pouvoir, si les faits reprochés au salarié sont d’une gravité suffisante pour justifier son licenciement.

Dans le cas de faits survenus à l’occasion d’une grève, l’article L. 2511-1 du code du travail dispose que « l’exercice du droit de grève ne peut justifier la rupture du contrat de travail, sauf faute lourde imputable au salarié ».

En l’espèce, le salarié avait, à plusieurs reprises, bloqué physiquement l’accès à une cabine de commande de délovage de câble, empêchant ainsi d’autres salariés de travailler. Il avait également bloqué l’accès à un navire, en occupant l’échelle de coupée, empêchant ainsi les salariés de travailler. Il en est résulté une atteinte à la liberté de travail des autres salariés, faits d’une gravité suffisante pour justifier le licenciement du salarié protégé.

CE 27 mai 2021 n° 433078


Est illicite la mise en place d’une caméra destinée à surveiller le seul salarié d’une cuisine.

Aux termes de l’article L. 1121-1 du code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

L’employeur avait notifié au salarié un avertissement en ces termes : « Ne constatant, malgré nos précédents et nombreux rappels à l’ordre verbaux, aucun changement dans votre comportement, nous nous voyons dans l’obligation, par cette lettre, de vous adresser un avertissement. Parallèlement, nous vous informons de notre intention de mettre en place, dans les prochains jours, un système de vidéo-surveillance et un registre de contrôle et pointage de vos heures de travail. Nous espérons vivement que ces démarches engendreront des changements dans votre comportement au travail ».

Le salarié avait par la suite été licencié sur le fondement d’actes enregistrés par la caméra.

L’employeur soutenait que le dispositif de vidéo-surveillance était destiné à empêcher le salarié de réitérer ses manquements.

La Cour de cassation énonce cependant que le salarié, qui exerçait seul son activité en cuisine, était soumis à la surveillance constante de la caméra qui y était installée. Elle en a déduit que les enregistrements issus de ce dispositif de surveillance, attentatoire à la vie personnelle du salarié et disproportionné au but allégué par l’employeur de sécurité des personnes et des biens, n’étaient pas opposables au salarié. Le licenciement a donc été invalidé.

Cass. soc. 23 juin 2021 n° 19-13856


Des tentatives d’intimidation du médecin du travail justifient un licenciement pour faute grave.

Le salarié qui tente de faire pression sur le médecin du travail pour qu’il change le sens de son avis médical commet une faute grave justifiant son licenciement, selon la Cour d’appel de Versailles.

CA Versailles 10 mars 2021 n° 18/04648


Pas de transfert d’entité économique autonome en cas de perte d’identité de l’entité transférée.

Une salariée occupait le poste d’adjointe du responsable d’un magasin de bricolage. Ce magasin a été racheté par une société exploitant un hypermarché. La salariée a refusé le transfert de son contrat de travail (L. 1224-1 du code du travail) invoqué par son employeur et de prendre son nouveau poste. Elle a alors été licenciée pour faute grave.

La société acquéreuse avait repris les seuls stocks du magasin de bricolage, dont elle s’était séparée en les bradant, et avait imposé aux salariés repris une totale permutabilité avec les autres salariés de l’hypermarché, même affectés à l’épicerie ou à la charcuterie.

La Cour en déduit que l’entité économique autonome avait perdu son identité à l’occasion de la cession. Le licenciement est donc invalidé.

Cass. soc. 24 mars 2021 n° 19-12.208


La faute lourde est caractérisée par des opérations créant une situation de conflits d’intérêts, menées à l’insu de l’employeur.

La faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.

En l’espèce, la faute lourde est caractérisée par le fait que le salarié avait passé divers contrats par l’intermédiaire notamment d’une société dont il était, à l’insu de son employeur, associé majoritaire, avec plusieurs sociétés, clientes ou filiales de la société, ayant généré des facturations ignorées de celle-ci, créant une situation de conflit d’intérêts. La dissimulation par le salarié de son intérêt personnel dans la réalisation d’opérations financières mettant en cause le fonctionnement de la société était constitutive d’un manquement à l’obligation de loyauté et établissait la volonté de l’intéressé de faire prévaloir son intérêt personnel sur celui de l’employeur.

Cass. soc., 10 février 2021, 19-14.315


L’employeur ne peut retirer au salarié son véhicule de fonction.

L’employeur avait décidé de supprimer au salarié la mise à disposition d’un véhicule de fonction, précisant que la valeur de l’avantage en nature serait intégrée à la rémunération brute mensuelle. Le salarié a refusé, estimant qu’il s’agissait d’une modification de son contrat de travail. Il a alors été licencié pour faute grave.

La Cour de cassation invalide le licenciement au motif que le retrait du véhicule de fonction (et non d’un véhicule de service) constituait bien une modification de son contrat de travail soumise à son accord.

Cass. Soc., 2 décembre 2020, 19-18445