Actualité droit social

Licenciement sans cause réelle et sérieuse : le juge ne peut s’écarter du « barème Macron ».

L’article L. 1235-3 du code du travail, issu de l’ordonnance du 22 septembre 2017, met en place un barème applicable à la fixation par le juge de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle-ci devant être comprise entre des montants minimaux et maximaux, ces derniers variant, selon l’ancienneté du salarié, entre un et vingt mois de salaire brut.

Dans deux arrêts remarqués, la chambre plénière de la Cour de cassation énonce que ce barème s’impose au juge dans tous les cas, celui-ci ne pouvant être écarté pour incompatibilité avec des textes internationaux tels la Charte sociale européenne (art. 24) et l’article 10 de la Convention de l’OIT n° 158 sur le licenciement.

Cass. soc. 11 mai 2022, n° 21-15.247 et Cass. soc. 11 mai 2022, n° 21-14.490


La Cour d’appel de Paris écarte le barème Macron.

Dans un arrêt du 16 mars 2021, la Cour d’appel de Paris a condamné une entreprise à verser à un salarié ayant peu d’ancienneté le double du plafond du barème des dommages et intérêts institué par les ordonnances de 2017.

La Cour a en effet considéré que « le montant prévu [par le barème] ne permet pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi » par une salariée de 53 ans dont elle a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour écarter le plafond applicable, l’arrêt énonce que celui-ci « représente à peine la moitié du préjudice subi en termes de diminution des ressources financières depuis le licenciement ».

La Cour tient compte « de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération (…), de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard ». Au final, la condamnation s’est élevée à 32.000 € (7 mois de salaire), alors que le barème ne prévoyait que 17.000 maximum (4 mois).

Cour d’appel de Paris, 16 mars 2021, n° RG 19/08721


Les circonstances vexatoires du licenciement doivent être réparées même si le licenciement est justifié.

Même lorsqu’il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné, un préjudice distinct de celui du licenciement, dont il est fondé à demander réparation.

Dans cette affaire, l’employeur avait licencié le salarié pour faute grave, et s’était parallèlement répandu en public sur les motifs du licenciement, en prétendant que le salarié prenait de la drogue et qu’il était un voleur.

La Cour d’appel avait validé le licenciement et débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes. La Cour de cassation infirme cet arrêt en considérant que la Cour aurait dû rechercher, comme elle y était invitée, si le licenciement n’avait pas été entouré de circonstances vexatoires.

Cass. soc., 16 déc. 2020, n° 18-23966


Barème Macron : la Cour d’appel de Grenoble juge celui-ci peut être écarté au cas par cas.

Pour la Cour, le caractère adéquat de la réparation allouée au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse doit être apprécié de manière concrète selon son préjudice ce qui peut conduire, dans certains cas, à déroger au barème « Macron ».

CA Grenoble 2 juin 2020 n° 17/04929


Barème Macron : la Cour d’appel de Paris s’aligne sur la position de la Cour de cassation.

La cour d’appel de Paris juge le barème d’indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse conforme à l’article 10 de la convention 158 de l’OIT, s’inscrivant ainsi dans la lignée des avis rendus par la Cour de cassation sur le sujet (CA Paris 30 octobre 2018 n° 16/05602)

A noter que la Cour d’appel de Reims avait admis la possibilité d’écarter le barème, à la demande du salarié, lorsque celui-ci n’était pas à même de lui assurer une réparation adéquate (CA Reims 25 sept. 2019 n° 19/00003).

Cour d’Appel de Paris, 30 octobre 2019, RG n°16/05602


La Cour de cassation valide le barème « Macron »

La Cour de cassation avait été saisie pour avis sur le point de savoir si le barème énoncé par les ordonnances du 22 septembre 2017 (art. L. 1235-3 du Code du travail) était compatible avec l’exigence d’« indemnité adéquate » à titre de réparation du licenciement sans cause réelle et sérieuse, énoncée notamment par l’article 10 de la convention 158 de l’Organisation Internationale du Travail (OIT).

La Cour de cassation a estimé que le terme « adéquat » devait être compris comme réservant aux Etats parties une marge d’appréciation. Elle décrit ensuite le dispositif énoncé par l’article L. 1235-3 du Code du travail et déduit que celui est compatible avec l’article 10 de la convention 158 de l’OIT.

Le Conseil de prud’hommes de Grenoble a rendu quelques jours après l’avis de la Cour de cassation, une décision s’affranchissant de ce barème, allant ainsi à l’encontre de cet avis.

Le prochain épisode sera les deux premières décisions de cours d’appel, attendues le 25 septembre, l’une à Paris, l’autre à Reims.

Au plan international, des recours ont été déposés par des organisations syndicales devant la Cour européenne des droits de l’Homme et de l’OIT, ainsi que devant le comité européen des droits sociaux (CEDS), organe de contrôle de l’application de la charte sociale européenne, qui a d’ailleurs condamné un dispositif de plafonnement des indemnités de licenciement injustifié instauré par la législation finlandaise (CEDS 8-9-2016 n° 106/2014), proche de celui en vigueur en France.

Avis Cass. 17-7-2019 n° 19-70010

 


Licenciement abusif : de nombreux conseils de prud’hommes jugent le barème d’indemnités contraire aux normes internationales

Nombreux sont maintenant les conseils de Prud’hommes ayant invalidé le barème d’indemnité pour licenciement abusif résultant des ordonnances entrées en vigueur le 24 septembre 2017 (article L. 1235-3 du Code du travail) : Troyes (13 déc. 2018), Lyon (21 déc. 2018), Amiens (19 déc. 2018), Grenoble (18 janv. 2019) Agen (5 févr. 2019), Paris (22 nov. 2018), Bordeaux (9 avril 2019).

Ces décisions se fondent notamment sur les textes suivants :

– L’article 10 de la convention n° 158 de l’OIT sur le licenciement, ratifiée par la France le 16 mars 1989, dont le Conseil d’Etat a confirmé l’effet direct (CE Sect., 19 octobre 2005, CGT et a., n° 283471), qui stipule que si les tribunaux « arrivent à la conclusion que le licenciement est injustifié, et si, compte tenu de la législation et de la pratique nationales, ils n’ont pas le pouvoir ou n’estiment pas possible dans les circonstances d’annuler le licenciement et/ou d’ordonner ou de proposer la réintégration du travailleur, ils devront être habilités à ordonner le versement d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».

– L’article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996, ratifiée par la France le 7 mai 1999, qui est également d’effet direct (CE, 10 février 2014, M. Fischer, n° 359892), qui a repris ce même principe dans les termes suivants :

« En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître (…) :
b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. »

Se fondant sur ces textes, les conseillers prud’homaux ont considéré que le mécanisme de barème français énoncé à l’article L. 1235-1 du Code du travail ne permet pas de s’assurer que le salarié pourra recevoir l’indemnisation intégrale des préjudices subis, et ont octroyé au salarié une indemnité supérieure à celle prévue par le barème.