La Cour d’appel avait jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement d’un salarié, à l’encontre duquel l’employeur s’était prévalu d’agissements de harcèlement moral envers une de ses collègues. La Cour d’appel avait écarté des débats une enquête interne sans l’examiner, au motif que celle-ci, diligentée par l’employeur après la dénonciation de faits par cette collègue, avait été confiée, non pas au CHSCT, mais à la direction des ressources humaines et que huit personnes seulement avaient été interrogées, sur les vingt composant le service et sans que soient connus les critères objectifs ayant présidé à la sélection des témoins.
La Cour de cassation casse cet arrêt en considérant que cet élément de preuve n’aurait pas dû être écarté par la Cour d’appel, qui aurait donc dû l’examiner, en application de l’article 455 du Code de procédure civile.
Cass. soc. 1 juin 2022 n° 20-22.058
Une représentante du personnel avait fait l’objet d’un avertissement pour non-respect réitéré des règles de sécurité et de confidentialité, à l’occasion d’une réunion du comité d’entreprise européen auquel elle participait. Elle a demandé en justice l’annulation de cette sanction, ce qu’elle n’a pas obtenu.
Aux termes de l’article L. 2342-10, 2°, du code du travail, les membres du comité d’entreprise européen sont tenus à une obligation de discrétion à l’égard des informations présentant un caractère confidentiel et données comme telles par l’employeur.
La Cour de cassation rappelle que revêtent un caractère confidentiel au sens du texte précité les informations qui sont de nature confidentielle au regard des intérêts légitimes de l’entreprise, ce qu’il appartient à l’employeur, en cas de contestation, d’établir.
La salariée avait établi la liste des questions qu’elle souhaitait soumettre au comité d’entreprise européen sur l’ordinateur portable du comité et non pas sur son blackberry sécurisé mis à sa disposition par l’employeur, puis, ayant transféré le document sur la clé USB du même comité, elle l’a imprimé sur l’imprimante de l’hôtel à Londres plutôt que de recourir à un ordinateur de l’employeur permettant une impression sécurisée à distance.
L’arrêt relève que le document ainsi imprimé contenait des informations relatives notamment à la situation financière de l’une des agences située en Grèce, aux stratégies envisagées dans le cadre du projet de création d’une succursale en Grèce ainsi qu’aux modalités de prise en charge des litiges en cours, que ces informations qui concernent la gestion interne de l’entreprise ainsi que ses projets de développement revêtent un caractère confidentiel et que, selon le procès-verbal d’une réunion du comité central d’entreprise à laquelle la salariée a participé, le sujet « est encore sous embargo » et « les informations doivent donc rester strictement confidentielles ».
La Cour de cassation valide la sanction en considérant que le document litigieux avait été imprimé en méconnaissance des règles de confidentialité et de sécurité informatique destinées à assurer, vis à vis des tiers non autorisés, la sécurité des informations, d’autre part que certaines des informations figurant sur ce document revêtaient, en raison de leur nature et de leur contenu, un caractère confidentiel au regard des intérêts légitimes de l’entreprise, et que ces informations avaient été préalablement présentées comme telles par l’employeur.
Cass. soc. 15 juin 2022 n° 21-10.366
La loi du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte prévoit l’obligation pour les employeurs de rappeler dans le règlement intérieur l’existence du dispositif de protection des lanceurs d’alerte afin d’assurer l’information des salariés sur le sujet (Code du travail, art. L 1321-2). Cette disposition entre en vigueur le 1er septembre 2022, date à laquelle le règlement intérieur doit avoir été mis à jour.
L’employeur n’a pas à reproduire intégralement la teneur de de ce dispositif dans le règlement intérieur, mais simplement d’en rappeler l’existence.
Face à l’essor du télétravail et à la volonté des salariés d’habiter loin de leur lieu de travail, l’employeur (une grande banque) avait considéré que le remboursement des frais de transport ne pouvait être assuré dans les mêmes conditions qu’auparavant et avait fixé un critère géographique : justifier d’une durée de transport Paris-province inférieure à 4 heures par jour aller-retour.
Cependant, les articles L 3261-2 et R 3261-1 du Code du travail prévoient que l’employeur doit prendre en charge 50 % du coût des titres d’abonnement souscrits pas ses salariés pour les déplacements entre leur résidence habituelle et leur lieu de travail accomplis au moyen de transports publics de personnes ou de services publics de location de vélo. Un usage au sein de l’entreprise prévoyait en outre une prise en charge par l’employeur à hauteur de 60 % du coût des titres de transport.
Le tribunal judiciaire a considéré que le critère géographique contrevenait à la liberté de l’établissement de son domicile au lieu de son choix et a par conséquent condamné l’employeur à respecter l’obligation de remboursement des frais de transport conformément au Code du travail et à l’usage interne (60 %) sans faire de distinction en raison de l’éloignement de la résidence habituelle des salariés.
TJ Paris du 5-7-2022 n° 22/04735
Dans cette affaire, l’employeur avait, par courrier du 18 avril 2016, convoqué le salarié à un entretien préalable à son éventuel licenciement fixé au 3 mai 2016, en même temps qu’elle lui notifiait sa mise à pied conservatoire. Le salarié a néanmoins repris le travail dès le 21 avril 2016. Il a ensuite été licencié pour faute grave le 24 mai suivant.
La Cour d’appel avait considéré qu’ayant été interrompue par la reprise du travail pour le compte de l’employeur, la mise à pied devait être requalifiée en mise à pied disciplinaire et que le licenciement ne pouvait donc pas être justifié par les faits ainsi déjà sanctionnés.
La Cour de cassation énonce cependant que le fait pour l’employeur de renoncer à la mise à pied conservatoire, en demandant au salarié de reprendre le travail, n’a pas pour effet de requalifier la mesure en mise à pied disciplinaire. Cela ne l’empêche pas non plus de notifier un licenciement dont la procédure avait été engagée dans le même temps que la mise à pied.
Il faut préciser cependant que la faute grave, supposant impossible le maintien même temporaire du contrat de travail, semble pouvoir être difficilement validée dans ce contexte.
Cass. soc. 18 mai 2022 n° 20-18.717
Pour la Cour de cassation, les retenues sur le salaire mensuel d’un salarié au titre des heures de délégation, caractérisent l’existence d’un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser par le remboursement des retenues ainsi opérées, peu important l’existence de la contestation sérieuse élevée par l’employeur selon laquelle les mandats représentatifs du salarié ne couvraient plus l’intégralité de son temps de travail.
Ainsi, les heures de délégation doivent être payées à l’échéance, même s’il existe un litige sur leur nombre. Le juge des référés peut en ordonner le règlement.
En revanche, ce refus ne justifie pas, à lui seul, le versement de dommages-intérêts au salarié.
Cass. soc. 1er juin 2022 n° 20-16.836
La Cour de cassation énonce que l’action par laquelle une partie demande de qualifier un contrat, dont la nature juridique est indécise ou contestée, en contrat de travail, revêt le caractère d’une action personnelle, qui relève de la prescription quinquennale de l’article 2224 du code civil, et non de la prescription de 2 ans énoncée par l’article L. 1471-1, alinéa 1, du code du travail.
Le point de départ du délai de prescription est la date à laquelle la relation contractuelle dont la qualification est contestée a cessé. C’est en effet à cette date que le titulaire connaît l’ensemble des faits lui permettant d’exercer son droit.
Cass. soc 11 mai 2022 n° 20-14.421
Cass. soc 11 mai 2022 n° 20-18.084
Dans cette affaire, la Cour d’appel avait débouté la salariée de sa demande en paiement de primes pour les années 2018 et 2019, en retenant que celle-ci ne versait aux débats aucun de ses bulletins de salaire antérieurs ou postérieurs à l’année 2018 et ainsi ne démontrait pas avoir été privée du versement de cette prime.
La Cour de cassation énonce que, alors que la Cour d’appel ne remettant pas en cause l’existence de la prime revendiquée, il incombait à l’employeur de rapporter la preuve de son paiement. La Cour de cassation a ainsi estimé que la Cour d’appel avait inversé la charge de la preuve en la faisant peser sur la salariée, et que son arrêt devait donc être cassé.
Cass. soc. 21 avril 2022, n° 20-22.826
Selon l’article L. 3121-4 du code du travail, le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif. Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie, soit sous forme de repos, soit financière.
Dans cette affaire, l’employeur avait institué une « franchise », consistant à ne pas indemniser 2 heures de temps de déplacement.
La Cour considère que ce système d’indemnisation, en raison de son caractère dérisoire, méconnaissait l’article L. 3121-4 du Code du travail.
Cass. soc., 30 mars 2022, n° 20-15.022
Selon l’article L. 2325-9 du code du travail, le temps passé aux séances du comité par les représentants syndicaux au comité d’entreprise est rémunéré comme temps de travail.
Un représentant du personnel résidant dans le sud de la France devait se rendre aux réunions du comité central d’entreprise à Paris. Il demandait en conséquence la rémunération de son temps de trajet comme du temps de travail effectif.
La Cour énonce que le représentant syndical au comité d’entreprise ne devant subir aucune perte de rémunération en raison de l’exercice de son mandat, le temps de trajet, pris en dehors de l’horaire normal de travail et effectué en exécution des fonctions représentatives, doit être rémunéré comme du temps de travail effectif pour la part excédant le temps normal de déplacement entre le domicile et le lieu de travail.
Cass. soc. 21 avril 2022, n° 20-17038