Actualité droit social

Messagerie personnelle du salarié et preuve : état des lieux

Le principe : l’employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé. Cass. soc., 17 mai 2005, n° 03-40017

La Cour de cassation précise que des courriels ne peuvent être considérés comme personnels du seul fait qu’ils émanent initialement de la messagerie électronique personnelle du salarié. Dès lors qu’ils sont intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié et qu’ils n’ont pas été identifiés comme personnels par ce dernier, l’employeur peut les consulter et s’en prévaloir sans observer de procédure particulière. Cass. soc., 19 juin 2013, n° 12-12138

La Cour de cassation a en revanche énoncé que l’employeur ne peut se prévaloir de courriels issus de la messagerie personnelle du salarié qui ne figurent pas sur le disque dur de l’ordinateur professionnel, ceux-ci constituant une correspondance privée. Il en est ainsi même si ces courriels sont relatifs à l’activité professionnelle du salarié. Cass. com., 16 avril 2013, n°12-15657


Contraventions commises par le salarié : sont illégaux le remboursement et la retenue sur salaire

L’employeur avait réglé les contraventions pour excès de vitesse et stationnement irrégulier commises par le salarié avec le véhicule mis à sa disposition par l’entreprise. Il demandait en justice la condamnation du salarié à rembourser ces sommes, comme le prévoyait le contrat de travail.

La Cour de cassation déboute l’employeur en énonçant que seule la faute lourde permet d’engager la responsabilité du salarié, ce qui n’est pas le cas de telles contraventions. Cass. soc. , 17 avril 2013, n° 11-27550


Activité personnelle menée pendant le temps de travail : le salarié peut être poursuivi pénalement

Constitue un abus de confiance l’utilisation par un salarié de son temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles il perçoit une rémunération, énonce la Cour de cassation.

L’abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en faire un usage déterminé. L’abus de confiance est puni de trois ans de prison et de 375.000 euros d’amende (Code pénal, art. 314-1).

Dans cette affaire, un prothésiste salarié avait, pendant son temps de travail et avec le matériel et les moulages de l’employeur, fabriqué des modèles de prothèse au profit d’un prothésiste libéral vers lequel il orientait systématiquement la clientèle.

Le salarié, reconnu coupable d’abus de confiance, a été condamné à dix mois de prison avec sursis, à une amende de 50.000 euros ainsi qu’au versement de la somme de 131.411 € à titre de dommages-intérêts à son ancien employeur. Cass. crim., 19 juin 2013, n° 12-83031


Accords de maintien dans l’emploi en cas de difficultés conjoncturelles

En cas de graves difficultés économiques conjoncturelles dans l’entreprise, un accord d’entreprise peut, en contrepartie de l’engagement de la part de l’employeur de maintenir les emplois pendant la durée de l’accord, aménager, pour les salariés occupant ces emplois, la durée du travail, ses modalités d’organisation ainsi que la rémunération.

La durée maximale de cet accord est de deux ans.

L’employeur doit proposer à chaque salarié s’il accepte la modification de son contrat de travail, selon les modalités prévues par l’accord. En cas de refus, l’employeur peut procéder au licenciement économique du salarié.

Code du travail, art. L. 5125-1


Les délais de prescription raccourcis

La loi du 14 juin 2013 sur la sécurisation de l’emploi ramène le délai de prescription de l’action en paiement du salaire de 5 ans à 3 ans à compter du jour où celui qui exerce une action en justice a connu ou aurait dû connaître les fats lui permettant de l’exercer. Lorsque le contrat de travail est rompu, la demande en paiement pourra porter sur les sommes dues au titre des 3 années précédant la rupture du contrat. Code du travail, art. L. 3245-1

Toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit désormais par 2 ans, au lieu de 5 ans auparavant, à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit. Code du travail, art. L. 1471-1

Ces nouveaux délais s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.


Nullité des forfaits jours Syntec non rectifiés par accord d’entreprise

La Cour de cassation a énoncé que les stipulations de l’accord Syntec consacrées aux forfaits jours n’étaient pas de nature à assurer la protection de la santé et de la sécurité du salarié car ne garantissant pas une amplitude et une charge de travail bien réparties dans le temps.

En conséquence, les accords conclus au niveau de l’entreprise doivent pallier cette carence et prévoir des garanties suffisantes. A défaut, la convention de forfait est nulle. Le salarié peut alors solliciter le paiement de l’intégralité des heures supplémentaires effectuées. Cass. soc., 24 avril 2013, n° 11-28398


Pèse exclusivement sur l’employeur la preuve des durées maximales de travail et des temps de pause

C’est à l’employeur, et à lui seul, de prouver le respect des limites de 10 heures quotidiennes et 48 heures hebdomadaires de travail et celui du temps de pause de 20 minutes en cas de travail quotidien d’au moins 6 heures.

Pour la Cour de cassation, l’article L 3171-4 du Code du travail, qui répartit entre employeur et salarié la charge de la preuve des heures de travail effectuées, n’est pas applicable à la preuve des seuils et plafonds de la durée du travail. Cour de cassation, ch. soc., 20 févr. 2013, n° 11-21599 et n° 11-28811


Discrimination en raison de l’orientation sexuelle : exemple

Un salarié avait passé avec succès les épreuves d’aptitude aux fonctions de sous-directeur organisées dans le groupe. Ayant été licencié en 2005, il a saisi le Conseil de prud’hommes afin d’obtenir réparation d’une discrimination pratiquée à son encontre en raison de son orientation sexuelle du fait de sa non-accession à des fonctions de sous-directeur.

La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir accueilli sa demande en se fondant sur les constatations suivantes :

– Après son inscription sur la liste d’aptitude de sous-directeur, il avait postulé en vain à quatorze reprises à un poste de sous-directeur ou à un poste de niveau équivalent,
– Il avait répondu à des propositions de postes à l’international et à une proposition de poste dans une filiale à Paris,
– Il était le seul de sa promotion à ne pas avoir eu de poste bien que son inscription sur la liste d’aptitude ait été prorogée à deux reprises,
– Il était parmi les candidats les plus diplômés,
– Plusieurs témoins faisaient état d’une ambiance homophobe dans les années 70 à 90 au sein de l’entreprise.

Cour de cassation, chambre soc., 24 avril 2013, n° 11-15204


Loi sur le mariage gay : incidences sociales

La loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe adoptée définitivement le 23 avril 2013 emporte quelques conséquences en matière de droit du travail.

Le Code civil pose désormais un principe d’égalité : le mariage ou la filiation adoptive entraîne les mêmes effets, droits et obligations reconnus par les lois, que les époux ou parents soient de sexes différents ou de même sexe (Code civ., art. 6-1 nouveau).

Désormais, les droits (congés, primes, etc.) ouverts aux couples mariés de sexe différents devront donc l’être également aux couples mariés de même sexe, que la source de ces droits soit légale ou conventionnelle. Les comités d’entreprise devront quant à eux veiller au respect de ce principe d’égalité de traitement dans la gestion de leurs activités sociales et culturelles.

Cette loi instaure par ailleurs un nouveau cas de discrimination : il est interdit de sanctionner, licencier ou prendre une mesure discriminatoire à l’encontre d’un salarié refusant une mutation géographique, en raison de son orientation sexuelle, dans un Etat incriminant l’homosexualité (Code trav., art. L. 1132-3-2 nouveau).


Injures sur Facebook par un salarié : la Cour de cassation se prononce

Une salariée avait dénigré sa supérieure hiérarchique sur ses profils Facebook et MSN, en la traitant notamment de « directrice chieuse » et de « patronne mal baisée ».

Celle-ci avait alors été poursuivie pour injure publique sur le fondement de la loi de 1881 sur la liberté d’expression.

La Cour de cassation considère que l’injure n’était pas publique car les profils Facebook et MSN de la salariée n’étaient accessibles qu’aux seules personnes agréées par l’intéressée, en nombre très restreint (51 amis sur Facebook).

A noter que la chambre sociale ne s’est pas encore prononcée sur le point de savoir si de tels propos, accessibles aux seules personnes agréées, peuvent donner lieu à sanction disciplinaire.

La Cour d’appel de Douai avait invalidé le bien fondé d’une rupture pour ce motif (CA Douai, 16 déc. 2011), mais la Cour d’appel de Besançon s’était prononcée dans une autre affaire en faveur de l’employeur (CA Besançon, 15 nov. 2011, n° 10/02642). A suivre…

Cour de cassation, 1ère chambre civile, 10 avr. 2013, n° 11-19530