Les documents détenus par le salarié dans le bureau de l’entreprise mis à sa disposition, sont, sauf lorsqu’il les identifie comme étant personnels, présumés avoir un caractère professionnel, de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors sa présence.
Dans cette affaire, était en cause la production de messages issus de la messagerie personnelle du salarié, mais se trouvant sur le bureau du salarié.
La Cour d’appel avait considéré que, puisque ces documents de trouvaient sur le bureau du salarié, donc dans les locaux professionnels, celui-ci avait pu licitement les appréhender hors la présence du salarié et leur production était en conséquence licite.
La Cour de cassation casse cet arrêt en énonçant que, comme les documents litigieux découverts par l’employeur sur le bureau du salarié provenaient de sa messagerie personnelle, de sorte qu’étant identifiés comme personnels, l’employeur ne pouvait y accéder et les appréhender hors la présence du salarié. Elle en conclut au caractère illicite de leur production.
Cass. soc., 9 octobre 2024, 23-14.465
Le salarié, licencié en raison de textos injurieux pour le président, émis avec le téléphone professionnel, invoquait le caractère privé de ces messages envoyés à deux anciens salariés, ainsi que qu’au directeur d’exploitation et du fait que ces conversations n’étaient pas destinées à être rendues publiques.
La Cour de cassation énonce cependant que les messages litigieux, qui bénéficiaient d’une présomption de caractère professionnel pour avoir été envoyés par le salarié au moyen du téléphone professionnel et dont le contenu était en rapport avec son activité professionnelle, ne revêtaient pas un caractère privé, peu important que ces échanges ne fussent pas destinés à être rendus publics. La production de ces échanges est donc validée.
Cass. soc. 11 déc. 2024, n° 23-20.716
En décembre 2023, la Cour de cassation a opéré un revirement important sur la preuve, alignant la position en matière civile tant avec le droit européen qu’avec le droit pénal (Cass., Ass. plénière, 22 déc. 2023, n° 20-20.648).
Jusqu’alors, étaient écartées systématiquement des débats les preuves déloyales (obtenues à l’insu) ou illicites (vidéosurveillance en dehors des conditions légales par exemple).
La Cour de cassation énonce maintenant que le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits, comme le droit au respect de la vie privée, à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
En principe, l’accès par l’employeur, hors la présence du salarié, aux fichiers contenus dans des clés USB personnelles, qui ne sont pas connectées à l’ordinateur professionnel, constitue une atteinte à la vie privée du salarié.
Mais dans cette affaire, l’employeur :
– démontrait qu’il avait agi de manière proportionnée afin d’exercer son droit à la preuve, dans le seul but de préserver la confidentialité de ses affaires : il montrait qu’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le contrôle effectué sur les clés USB, au regard du comportement de la salariée,
– s’était borné à produire les données strictement professionnelles reproduites dans la clé USB après le tri opéré par l’expert qu’il avait mandaté à cet effet, en présence d’un huissier de justice, les fichiers à caractère personnel n’ayant pas été ouverts par l’expert et ayant été supprimés de la copie transmise à l’employeur.
La Cour de cassation valide en conséquence la production en justice des fichiers issus de la clé USB personnelle.
Cass. soc., 25 sept. 2024 n°23-13.992
Le salarié exerçait les fonctions d’agent de sécurité, de nuit.
La convention collective des entreprises de prévention et de sécurité stipule que :
Le salarié avait cependant refusé le passage à un horaire de jour, en invoquant la nécessité de sa présence de jour auprès de sa fille lourdement handicapée, et avait été licencié pour ce motif.
La Cour d’appel a constaté que :
La Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a considéré que le passage d’un horaire de nuit à un horaire de jour portait une atteinte excessive au droit du salarié au respect de sa vie personnelle et familiale et était incompatible avec les obligations familiales impérieuses. Le licenciement a donc été invalidé.
Cass. Soc., 29 mai 2024, 22-21.814
Le chien d’un agent de sécurité avait, à 8h30, attaqué et mordu un agent de maintenance qui se trouvait sur le site dont il avait la surveillance, e avait été licencié pour faute grave.
La cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation avait validé la faute grave en considérant que ces faits ne relevaient pas de la vie personnelle du salarié :
Le manquement aux obligations découlant du contrat de travail était donc caractérisé.
Cass. soc., 23 oct. 2024, 22-23.050
La loi énonce des cas de recours précis (ex. : accroissement temporaire d’activité, remplacement d’un salarié absent…). En dehors de ces cas, pas de CDD. Le CDD ne peut en effet avoir pour objectif de pourvoir durablement à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
On rencontre souvent sur les CDD le cas de recours de l’Accroissement temporaire d’activité.
Attention cependant à ne pas considérer ce cas comme une catégorie « fourre-tout » permettant de valider automatiquement le CDD signé, comme on le voit si souvent !
S’il n’a pas à présenter de caractère exceptionnel, l’Accroissement temporaire d’activité doit cependant correspondre à une réalité : augmentation temporaire de l’activité, exécution d’une tâche occasionnelle, commande exceptionnelle à l’exportation, travaux urgents…
Dans cette affaire, les deux derniers CDD du salarié avaient été conclus au motif d’un « surcroît d’activité lié à l’ouverture d’une unité de vie Alzheimer ».
L’employeur soutenait que le surcroit temporaire était lié au projet de mise en place de l’unité : aspects architecturaux comme la création d’une unité sécurisée, formation spécifique du personnel médical et paramédical, mise en place d’une organisation dédiée…
La Cour de cassation a cependant considéré que le surcroît d’activité entraîné par l’ouverture de cette nouvelle unité s’intégrait dans le cadre de l’activité normale et permanente de l’association et n’était donc pas temporaire. Le CDD est donc requalifié en CDI.
Cass. soc., 18 sept. 2024, 23-16.782
Alors que le contrat de travail prévoyait que l’employeur pouvait lever la clause de non-concurrence par l’envoi au salarié d’une lettre recommandée avec avis de réception, l’employeur a procédé à cette formalité en lui envoyant un simple e-mail.
La Cour de cassation a alors considéré que le salarié n’était pas valablement délié de son obligation de non-concurrence et que la contrepartie financière était donc due.
Cass. soc., 3 juillet 2024 n° 22-17.452
Dans cette affaire, une salariée avait pris ses congés d’été au Canada et y est restée ensuite, en télétravaillant depuis ce pays, avec l’autorisation de son employeur à titre provisoire.
La salariée demande ensuite à poursuivre le télétravail depuis le Canada jusqu’à la mi-février 2021 et n’obtient pas de réponse favorable. En mars, elle demande à nouveau à télétravailler en horaires décalés depuis ce pays. L’employeur refuse et lui demande de se présenter sur son lieu de travail une dizaine de jours plus tard, ce qu’elle ne fait pas.
La salariée est alors licenciée pour faute grave et saisit le Conseil de Prud’hommes.
Pour valider la faute grave, le Conseil de prud’hommes énonce que la salariée avait violé ses obligations résultant de son contrat de travail : le fait de ne pas avoir recueilli l’accord préalable de son employeur pour télétravailler depuis le Canada, d’avoir adopté une attitude déloyale en lui dissimulant ce télétravail depuis ce pays et de ne pas avoir repris son poste en présentiel malgré une mise en demeure en ce sens, caractérisaient une faute grave.
Conseil de Prud’hommes de Paris, 1er août 2024 n° 21/06451
Est considéré comme accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail (art. L. 411-1 Code sécurité sociale).
Une salariée en télétravail était tombée dans l’escalier de sa maison pour prendre sa pause déjeuner.
La CPAM refusait de prendre en charge l’accident au titre de la législation professionnelle, au motif que l’accident étant survenu après que la salariée avait effectué son pointage lors de sa pause méridienne : elle n’était donc plus selon elle sous la subordination de l’employeur.
La Cour d’appel a cependant considéré que l’accident était survenu au temps du travail en raison notamment du fait que la plage horaire méridienne constituait une interruption de courte durée du travail, légalement prévue, assimilable au temps de l’exercice de l’activité professionnelle au sens de l’article L 1222-9, III du Code du travail.
CA Amiens 2 sept. 2024 no 23/00964
Autre exemple : le jour de l’accident, la salariée télétravaillait dans un bureau dans son sous-sol dont l’accès se faisait par un escalier ; que ses horaires de travail étaient se terminaient à 16h01. A 16h02, juste après s’être déconnectée, elle est tombée dans l’escalier en remontant de ce sous-sol, ce qui a engendré une fracture du coude droit et d’autres blessures. Pour exclure l’accident du travail, la Cour a constaté que la chute accidentelle a eu lieu alors que la salariée avait terminé sa journée de travail, celle-ci ayant effectué son pointage de fin de journée (déconnexion) à 16h01 et qu’elle n’était donc plus sous la subordination de son employeur au moment de l’accident.
CA Amiens 15 juin 2023 n° 22/00474
Congé sabbatique : le salarié informe son employeur au moins 3 mois à l’avance de la date et de la durée de son congé sabbatique. L’employeur y répond dans un délai de 30 jours à compter de la présentation de la demande du salarié. À défaut, son accord est réputé acquis (C. trav., art L 3142-28 et s. et D 3142-14 et s.).
Pour la Cour de cassation, l’employeur qui ne répond pas à une demande de congé sabbatique est réputé accepter tacitement le congé, même dans le cas où le salarié a formulé cette demande hors délai. Il ne faut donc surtout pas ignorer la demande effectuée hors délai. Cass. soc. 2 oct. 2024 n° 23-20.560
Congé parental : Le salarié informe son employeur, du point de départ et de la durée de la période de congé parental d’éducation à temps plein ou à temps partiel. Si cette période débute immédiatement après le congé de maternité ou d’adoption, le salarié doit informer l’employeur au moins un mois avant le terme de ce congé. Dans le cas contraire, l’employeur doit être informé au moins 2 mois avant le début du congé ou du temps partiel (C. trav., art. L 1225-50).
Pour la Cour de cassation, ne peut être refusée la demande de congé parental formulée seulement 5 jours avant la date prévue pour son départ, au lieu des 2 mois prescrits par la loi. Cass. soc. 18 sept. 2024 no 23-18.021