Dans cette affaire, le salarié avait réussi à prouver que l’employeur lui avait annoncé par téléphone son licenciement le jour de l’envoi de la lettre de licenciement.
L’employeur se défendait en soutenant qu’il avait pris soin de prévenir ainsi le salarié dans son intérêt, aux fins de lui éviter de se présenter à une réunion et de se voir congédier devant ses collègues de travail.
La Cour d’appel, puis la Cour de cassation, ont considéré qu’il s’agissait d’un licenciement verbal, automatiquement dépourvu de cause réelle et sérieuse (Cass. soc., 3 avril 2024, n° 23-10.931).
Si l’employeur avait réussi à démontrer que, ce jour-là, la lettre avait été postée avant l’annonce par téléphone, ce qui aurait modifié le sens de la décision puisque la date du licenciement est fixée à l’envoi de la lettre (Cass. soc., 28 sept. 2022 n° 21-15.606).
De même, lors de l’entretien préalable au licenciement, il convient surtout d’éviter d’annoncer au salarié que la décision est prise de le licencier, mais lui indiquer qu’un licenciement est simplement envisagé.
Un fait tiré de la vie personnelle du salarié peut justifier une sanction ou un licenciement disciplinaire :
– s’il se rattache à la vie professionnelle du salarié. Exemple : : coups et blessures envers un subordonné à l’extérieur des locaux de l’entreprise en dehors des heures de travail, mais à l’occasion de la récupération d’un véhicule de l’entreprise à son domicile (Cass. soc. 6-2-2002 n° 99-45.418).
– S’il caractérise un manquement à une obligation découlant de son contrat de travail, comme une obligation de sécurité. Exemple : salarié ayant laissé son chien dans son véhicule sur le parking de l’entreprise de son lieu de travail pendant 3 heures, puis l’ayant laissé s’échapper : l’animal a alors mordu une salariée qui sortait de l’entreprise (Cass. soc., 4 octobre 2011, 10-18.862).
Autre critère de rattachement à la vie professionnelle : le trouble objectif causé au bon fonctionnement de l’entreprise (motif non disciplinaire). Exemples :
– salarié condamné pour agression sexuelle sur mineur dans un cadre autre que professionnel. A son retour dans l’entreprise, de nombreux salariés ont refusé de travailler avec lui, n’hésitant pas à faire grève : le trouble objectif est caractérisé (Cass. soc., 13 avril 2023, 22-10.476)
– Retrait ou suspension du permis de conduire lorsque le salarié conduit en dehors de son temps de travail : si l’utilisation du véhicule est nécessaire à l’exécution de la mission du salarié, le trouble objectif est caractérisé et le licenciement est possible.
L’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification.
Tandis qu’on ne peut se placer sur le terrain disciplinaire que si la mauvaise qualité du travail du salarié résulte d’une abstention volontaire ou de sa mauvaise volonté délibérée (Cass. soc. 27-11-2013 n° 12-19.898), qui peut résulter de son refus d’appliquer des consignes et directives professionnelles.
En l’absence de ces caractéristiques, l’insuffisance professionnelle ne peut faire l’objet d’une sanction disciplinaire. Un licenciement disciplinaire sanctionnant une simple insuffisance professionnelle est sans cause réelle et sérieuse (Cass. soc. 23-9-2015 n° 14-14.789)
L’insuffisance professionnelle doit donc bien être distinguée de la faute professionnelle.
En décembre 2023, la Cour de cassation a opéré un revirement important, alignant la position en matière civile tant avec le droit européen qu’avec le droit pénal (Cass., Ass. plénière, 22 déc. 2023, n° 20-20.648).
Jusqu’alors, étaient écartées systématiquement des débats le preuves déloyales (obtenues à l’insu) ou illicites (vidéosurveillance en dehors des conditions légales par exemple).
La Cour de cassation énonce maintenant que le juge doit alors apprécier si une telle preuve porte une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit à la preuve et les droits contraires en présence.
Ainsi, le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Deux nouvelles illustrations :
– Cass. soc. 14 févr. 2024 n° 22-23.073 : exploitation d’images de vidéosurveillance illicites. Un recoupement des opérations enregistrées à la caisse de la salariée (par vidéo/ par journal informatique) avait révélé au total dix-neuf anomalies graves en moins de deux semaines. La Cour de cassation approuve la communication des images vidéo car le visionnage des enregistrements avait été limité dans le temps (du 10 juin au 27 juin), dans un contexte de disparition de stocks, après des premières recherches restées infructueuses et que ce visionnage avait été réalisé par la seule dirigeante de l’entreprise. Elle en déduit que la production de ces images était indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et proportionnée au but poursuivi.
– Cass. soc. 17 janv. 2024 no 22-17.474 : un salarié, s’estimant victime d’un tel harcèlement avait produit l’enregistrement clandestin des membres du CHSCT pour justifier l’existence d’un harcèlement moral à son encontre. La Cour de cassation confirme le rejet de cette preuve au motif que sa production n’était pas indispensable au soutien de la demande du salarié, car les autres éléments de preuve qu’il avait produits permettaient déjà de laisser supposer l’existence du harcèlement moral.
Si le télétravail est effectué à la demande de l’employeur, le salarié a droit à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles (Cass. soc. 14-9-2016 no 14-21.893).
Le salarié a également droit à une telle indemnité si un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition (Cass. soc., 12 décembre 2012, n°11-20.502).
Logiquement, aucune indemnité n’est due si le salarié demande à télétravailler alors qu’un tel local est effectivement mis à sa disposition (Cass. soc. 4-12-2013 n° 12-19.667).
Solution récente : si le télétravail a été prescrit par le médecin du travail, le salarié est en droit de percevoir une indemnité d’occupation de son domicile, même si un local est effectivement mis à sa disposition par l’employeur (CA Paris 21-12-2023 n° 20/05912).
L’employeur peut fixer unilatéralement les objectifs du salarié dans le cadre de son pouvoir de direction.
Cependant, ceux-ci doivent être réalisables et portés à la connaissance du salarié en début d’exercice. A défaut, le montant maximum prévu pour la part variable doit être payé intégralement comme si le salarié avait réalisé ses objectifs.
Dans cette affaire, pour un exercice d’octobre N à septembre N + 1, l’employeur avait seulement prévenu le salarié en novembre N que ses objectifs seraient revus en janvier N+1.
Les objectifs n’ayant donc pas été fixés en début d’exercice, la Cour de cassation énonce que le salarié était pour cette seule raison en droit de percevoir le maximum de son salaire variable.
Cass. soc. 31 janvier 2024 n° 22-22.709
Une salariée avait été informée que son lieu de travail devait être transféré d’une localité à une autre. Ayant refusé d’intégrer son nouveau lieu de travail, elle a été licenciée pour faute grave le 22 mai 2014.
En l’absence de clause de mobilité, une mutation géographique ne constitue pas une modification du contrat de travail soumise à l’accord du salarié si le nouveau lieu de travail est situé dans le même secteur géographique.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel qui avait décidé que les localités n’étaient pas situées dans le même secteur géographique, pour les raisons suivantes :
Si les 3 premiers critères sont classiques, le dernier est nouveau dans l’appréciation de la modification de secteur.
Cass. soc. 24 janvier 2024 n° 22-19.752
L’employeur ne peut rompre le contrat de travail d’un salarié pendant les 10 semaines suivant la naissance de son enfant, sauf s’il justifie d’une faute grave de l’intéressé ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à l’arrivée de l’enfant (art. L. 1225-4-1 du code du travail).
En l’espèce, au titre de l’impossibilité de maintenir le contrat de travail, l’employeur avait invoqué des manquements professionnels du salarié, sans lien avec la naissance de son enfant.
Pour la Cour d’appel, ce type de grief ne pouvaient caractériser l’impossibilité de maintenir le contrat de travail, ce qui a été validé par la Cour de cassation. Cass. soc., 27 sept. 23, n° 21-22.937
Exemple de grief constituant l’impossibilité de maintenir le contrat : nouvelle répartition des secteurs de vente décidée en raison des difficultés économiques de l’entreprise, la salariée enceinte, dont le secteur avait été absorbé, ayant refusé un nouveau secteur géographique malgré la clause de mobilité incluse dans son contrat de travail (Cass. soc. 24-1-1996 n° 92-42.682)
Il est interdit à un employeur, non seulement de notifier un licenciement, quel qu’en soit le motif, pendant la période de protection absolue (congé maternité et congés payés pris immédiatement après), mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision.
L’envoi d’une lettre de convocation à l’entretien préalable constitue une telle mesure préparatoire, peu important que l’entretien ait lieu à l’issue de cette période.
Dans cette affaire, le contrat de travail de la salariée a été suspendu du 8 septembre 2017 au 24 janvier 2018, en raison de son congé maternité et des congés payés pris immédiatement après, la reprise effective du travail étant fixée au 25 janvier 2018.
Par lettre du 16 janvier 2018, l’employeur l’a convoquée à un entretien préalable fixé au 10 avril 2018. L’intéressée a accepté le contrat de sécurisation professionnelle le 1er mai suivant.
Ainsi, la convocation à entretien préalable avait été envoyée pendant la période de protection absolue, ce qui aurait dû entraîner la nullité du licenciement. L’arrêt de la Cour d’appel est donc cassé.
Cass. soc., 29 novembre 2023, n° 22-15.794
Aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés (art L. 1152-2 et L. 1121-2 du code du travail).
Le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut donc être licencié pour ce motif, sauf mauvaise foi, laquelle ne peut résulter que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce. Le grief énoncé dans la lettre de licenciement tiré de la relation par le salarié de faits de harcèlement moral emporte à lui seul la nullité du licenciement.
Avant l’arrêt du 19 avril 2023, la Cour de cassation énonçait que le salarié ne pouvait bénéficier de la protection légale contre le licenciement tiré d’un grief de dénonciation de faits de harcèlement moral que s’il avait lui-même qualifié les faits d’agissements de harcèlement moral.
Désormais, voici la position de la Cour de cassation :
Dans cette affaire, une salariée avait adressé à des membres du conseil d’administration de la structure une lettre pour dénoncer le comportement du directeur du foyer en l’illustrant de plusieurs faits ayant entraîné, selon elle, une dégradation de ses conditions de travail et de son état de santé. La salariée avait été licenciée pour ce motif.
La Cour de cassation énonce que l’employeur ne pouvait ignorer qu’il s’agissait de faits de harcèlement moral même si le salarié n’avait pas qualifié expressément les faits de harcèlement moral.
A noter que, de son côté, l’employeur peut invoquer la mauvaise foi du salarié même si la lettre de licenciement n’en faisait pas mention.
Cass. soc. 19 avril 2023 n° 21-21.053