Dans ces affaires, deux salariés de CPAM, comptant respectivement 36 ans et 39 années d’ancienneté sans antécédent disciplinaire, avaient été licenciés pour faute grave pour avoir divulgué des données personnelles concernant, pour l’un, un ministre en exercice et, pour l’autre, un joueur de rugby connu.
La Cour d’appel, au regard de l’ancienneté sans antécédent disciplinaire des deux salariés, avait invalidé les licenciements.
La Cour de cassation casse ces arrêts : la transmissions de ces documents à un tiers, sans raison valable, constituait une faute grave de nature à rendre impossible leur maintien dans l’entreprise, quels qu’aient donc pu être leur passé disciplinaire et leur ancienneté.
Cass. soc. 11 sept. 2024 n°22-13.531 ; Cass soc. 11 sept. 2024 n° 22-13.532
Congé sabbatique : le salarié informe son employeur au moins 3 mois à l’avance de la date et de la durée de son congé sabbatique. L’employeur y répond dans un délai de 30 jours à compter de la présentation de la demande du salarié. À défaut, son accord est réputé acquis (C. trav., art L 3142-28 et s. et D 3142-14 et s.).
Pour la Cour de cassation, l’employeur qui ne répond pas à une demande de congé sabbatique est réputé accepter tacitement le congé, même dans le cas où le salarié a formulé cette demande hors délai. Il ne faut donc surtout pas ignorer la demande effectuée hors délai. Cass. soc. 2 oct. 2024 n° 23-20.560
Congé parental : Le salarié informe son employeur, du point de départ et de la durée de la période de congé parental d’éducation à temps plein ou à temps partiel. Si cette période débute immédiatement après le congé de maternité ou d’adoption, le salarié doit informer l’employeur au moins un mois avant le terme de ce congé. Dans le cas contraire, l’employeur doit être informé au moins 2 mois avant le début du congé ou du temps partiel (C. trav., art. L 1225-50).
Pour la Cour de cassation, ne peut être refusée la demande de congé parental formulée seulement 5 jours avant la date prévue pour son départ, au lieu des 2 mois prescrits par la loi. Cass. soc. 18 sept. 2024 no 23-18.021
Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
Une salariée d’une CPAM avait envoyé avec son courriel professionnel, des messages à caractère raciste et xénophobe destinés au moins à deux autres salariés de l’organisme. Celle-ci avait alors été licenciée pour faute grave.
La Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a invalidé le licenciement au motif que les messages litigieux s’inscrivaient dans le cadre d’échanges privés à l’intérieur d’un groupe de personnes, qui n’avaient pas vocation à devenir publics et n’avaient été connus par l’employeur que suite à une erreur d’envoi de l’un des destinataires.
La Cour retient également que la lettre de licenciement ne mentionnait pas que les opinions exprimées par la salariée dans ces courriels auraient eu une incidence sur son emploi ou dans ses relations avec les usagers ou les collègues et ne constituait donc pas une atteinte aux principes de neutralité et de laïcité exigés d’un agent qui participant à une mission de service public.
Cass. soc. 6 mars 2024, n° 22-11016
Un motif tiré de la vie personnelle du salarié ne peut, en principe, justifier un licenciement disciplinaire, sauf s’il constitue un manquement de l’intéressé à une obligation découlant de son contrat de travail.
Dans cette affaire, un salarié avait remis une collègue un programme politique à l’issue d’une remise de trophées de l’entreprise à laquelle tous deux participaient. La Cour en déduit que celle-ci avait eu lieu en dehors du temps et du lieu de travail et ne pouvait donc être reprochée au salarié. Le licenciement pour faute grave est donc invalidé.
Cass. soc. 29 mai 2024 n° 22-14.779
En principe, l’employeur ne peut invoquer aucun élément d’ordre privé à l’appui d’une mesure professionnelle.
Dans cette affaire, le salarié, occupant le poste d’auditeur interne, avait accès à de nombreuses informations confidentielles de la société.
Celui-ci avait été licencié pour avoir dissimulé sa situation matrimoniale avec son épouse, ex-salariée en litige avec l’entreprise, ce qui créait selon l’employeur un risque de conflit d’intérêts et un manquement à l’obligation de loyauté. Le salarié demandait la nullité du licenciement pour atteinte à son droit au respect de sa vie privée.
Pour la cour d’appel, l’étude des faits révélait une véritable volonté de dissimulation de son lien matrimonial et donc un risque avéré de conflit d’intérêts. Cette considération prévalait sur le droit à la vie privée invoqué par le salarié.
CA Versailles 30 mai 2024, no 22/00879
En matière disciplinaire, le délai de prescription des faits fautifs est de 2 mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance (C. trav, art. L. 1332-4).
Dans certains cas, les faits fautifs ou leur ampleur exacte sont révélés par une enquête interne, et la date de leur connaissance par l’employeur, point de départ du délai d’engagement des poursuites disciplinaires, a pu être fixée à la date de remise du rapport d’enquête (Cass. soc. 23-3-2011 n° 09-43.507).
Dans cette affaire cependant, l’employeur avait saisi le comité antifraude le 13 octobre 2017. Le salarié avait ensuite, dans un courriel du 30 octobre 2017 adressé à son supérieur, décrit de manière circonstanciée le montage frauduleux qu’il avait mis en place. Le rapport d’enquête interne avait ensuite été finalisé le 29 novembre suivant. L’employeur avait alors engagé le 3 janvier suivant une procédure de licenciement pour faute grave.
La Cour d’appel, approuvée par la Cour de cassation, a considéré que l’employeur avait dès le 30 octobre 2017, date de l’e-mail du salarié, une connaissance certaine des faits en cause et que ceux-ci étaient donc prescrits lors de l’engagement de la procédure disciplinaire le 3 janvier suivant.
Cass. soc. 29 mai 2024 n° 22-18.887
Dans cette affaire, une salariée avait interpellé le directeur, son supérieur hiérarchique direct, au sujet des différends qui l’opposaient à une collègue du même niveau hiérarchique qu’elle. Celui-ci a alors pris position. Lorsque la salariée a ensuite demandé des éclaircissements sur son positionnement dans la nouvelle organisation avec une nouvelle direction, elle a obtenu 3 jours plus tard une réponse du président de la société.
La Cour de cassation approuve la Cour d’appel d’avoir considéré que l’employeur avait pris les mesures suffisantes de nature à préserver la santé et la sécurité de la salariée, et a pu en déduire, malgré l’absence d’enquête interne, que celui-ci n’avait pas manqué à son obligation de sécurité.
Cass. soc. 12 juin 2024 no 23-13.975
Deux arrêts du 26 juin 2024 ont rappelé les règles applicables en cas de départ du salarié en cours d’année :
– Si le contrat de travail stipule une condition de présence à la date prévue de versement du bonus, alors le salarié n’a pas droit à ce versement s’il est absent à la date stipulée,
– Si le contrat de travail ne stipule aucune condition de présence à la date prévue de versement, alors le salarié a droit à sa rémunération variable au prorata de sa présence.
Cass. soc, 26
juin 2024, n° 23-12475 et n° 23-10.634
En cas de dossier incomplet, l’administration peut considérer que la rupture conventionnelle est irrecevable. Les parties ne peuvent pas alors se prévaloir du délai d’homologation tacite.
Dans cette affaire, l’administration avait considéré la RC irrecevable au regard du montant des salaires mentionnés dans le formulaire de rupture.
L’employeur n’avait alors pas recommencé la procédure après cette décision mais avait donné des explications à l’administration sans modifier les montants des salaires indiqués initialement. Les juges successifs ont considéré que la rupture conventionnelle était régulière.
La solution aurait toutefois été différente si les montants avaient été modifiés à la suite des demandes de l’administration. Il aurait alors fallu recommencer la procédure, car la source du consentement du salarié aurait été modifiée.
Cass. soc., 19 juin 2024 n° 22-23.143
En cas de dol (mensonge du salarié), la rupture conventionnelle produit les effets d’une démission, si bien que le salarié ne peut se prévaloir ni de l’indemnité spécifique de rupture, ni de l’assurance chômage.
Dans cette affaire, lorsqu’il avait sollicité une rupture conventionnelle, le salarié avait évoqué auprès de l’employeur souhait de reconversion professionnelle dans le management, sans autre précision, alors qu’en réalité il avait un projet d’entreprise dans le même secteur d’activité avec deux anciens salariés. Les juges ont considéré que le consentement de l’employeur avait été vicié et ont annulé la rupture conventionnelle aux torts du salarié.
Cass. soc., 19 juin 2024, n° 23-10.817