Alors qu’elle avait accepté pendant plusieurs années que le salarié ne se rende qu’épisodiquement au siège de l’entreprise, la société a modifié un élément essentiel du contrat de travail en lui imposant d’être présent au siège deux jours par semaine.
Cette modification du lieu d’exécution de la prestation de travail était en effet de nature à bouleverser non seulement l’organisation professionnelle du salarié mais également ses conditions de vie personnelle puisqu’elle le contraignait à dormir à l’hôtel deux nuits par semaine et à voyager le dimanche. Cette modification du contrat de travail ne pouvait être unilatéralement décidée par l’employeur.
La Cour considère donc que le salarié était donc en droit de refuser la mise en place de la modification litigieuse.
CA Orléans 7 déc. 2021 n° 19/01258
Un agent de propreté s’était vu imposer une mutation sur le site d’un cimetière. Le salarié avait refusé cette mutation en invoquant ses convictions religieuses hindouistes lui interdisant de travailler dans un cimetière. Le salarié avait alors été licencié.
La Cour d’appel avait considéré que la mutation était discriminatoire au regard des convictions religieuses de l’intéressé, et avait donc jugé que le licenciement était nul.
La Cour de cassation casse cet arrêt en considérant que la mutation prononcée par l’employeur était justifiée par une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l’article 4, § 1, de la directive 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000 au regard :
– d’une part de la nature et des conditions d’exercice de l’activité du salarié, chef d’équipe dans le secteur de la propreté, affecté sur un site pour exécuter ses tâches contractuelles en vertu d’une clause de mobilité légitimement mise en oeuvre par l’employeur,
– d’autre part du caractère proportionné au but recherché de la mesure, laquelle permettait le maintien de la relation de travail par l’affectation du salarié sur un autre site de nettoyage.
Pour la Cour de cassation, la mutation disciplinaire ne constituait pas une discrimination directe injustifiée en raison des convictions religieuses et, dès lors, le licenciement du salarié n’était pas nul.
Cass. soc. 19-1-2022, n° 20-14.014
La finalité même de l’entretien préalable et les règles relatives à la notification du licenciement interdisent à l’employeur de donner mandat à une personne étrangère à l’entreprise pour procéder à cet entretien et notifier le licenciement.
En l’espèce, un DRH d’une filiale avait signé la lettre de licenciement d’un salarié d’une autre filiale. La Cour de cassation considère qu’il s’agissait d’une personne étrangère à l’entreprise et qu’elle ne pouvait en conséquence recevoir délégation de pouvoir pour procéder au licenciement. Le licenciement est sans cause réelle et sérieuse pour cette seule raison.
Cass. soc., 20 oct. 2021 n° 20-11.485
A la date de la signature de la convention de rupture conventionnelle, l’employeur, informé par la salariée de faits précis et réitérés de harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique, n’avait mis en oeuvre aucune mesure de nature à prévenir de nouveaux actes et à protéger la salariée des révélations qu’elle avait faîtes.
La salariée se trouvait donc dans une situation devenue insupportable et dont les effets pouvaient encore s’aggraver si elle se poursuivait. Elle n’avait donc eu d’autre choix que d’accepter la rupture et n’avait donc pu donner un consentement libre et éclairé.
Il existait donc une violence morale et c’est à bon droit que la Cour d’appel avait procédé à l’annulation de la rupture conventionnelle.
Cass. soc. 4 nov. 2021 n° 20-16.550
Aux termes de l’article L. 1225-4 du code du travail, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l’expiration de ces périodes.
Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa.
Il en résulte que pendant les dix semaines suivant l’expiration des périodes de suspension du contrat de travail, l’employeur peut notifier un licenciement pour faute grave non liée à l’état de grossesse ou pour impossibilité de maintenir le contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.
En l’espèce, à l’issue de son congé maternité, la salariée s’était trouvée en arrêt maladie et avait été licenciée pour faute grave pendant son arrêt maladie.
La Cour d’appel avait considéré que le licenciement était nul mais la Cour de cassation censure cette décision au motif que la période de protection absolue contre le licenciement avait cessé à l’expiration des périodes de suspension du contrat de travail. La Cour devait donc rechercher s’il y avait eu ou non faute grave de l’intéressée.
Cass. soc. 1er déc. 2021 n° 20-13.339
La conclusion de CDD successifs à des conditions de rémunération et de temps de travail différentes ne constitue pas une modification du contrat de travail, même si ces contrats sont inclus dans la période objet de la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée.
Cass. soc. 17 nov. 2021 n° 20-17.526
Dans cette affaire, le système de vidéosurveillance destiné à la protection et la sécurité des biens et des personnes dans les locaux de l’entreprise, permettait également de contrôler et de surveiller l’activité des salariés.
Ce dispositif avait été utilisé par l’employeur afin de recueillir et d’exploiter des informations concernant personnellement une salariée, qui avait alors été licenciée pour faute grave sur la base des images enregistrées.
La Cour de cassation énonce que l’employeur aurait dû informer les salariés et consulter le comité d’entreprise sur l’utilisation de ce dispositif à cette fin et qu’à défaut, le moyen de preuve tiré des enregistrements de la salariée devait être considéré comme illicite.
Cass. soc. 10-11-2021 n° 20-12.263
Un salarié avait été licencié pour absences prolongées ayant, selon l’employeur, entraîné une perturbation de l’entreprise et la nécessité d’un remplacement définitif.
En principe, le salarié en arrêt maladie, donc incapable d’exécuter son préavis, ne peut pas prétendre à l’indemnité compensatrice de préavis.
La Cour de cassation énonce que lorsque le licenciement, prononcé pour ce motif, est ensuite jugé dépourvu de cause réelle et sérieuse, le juge doit accorder au salarié, qui le demande, l’indemnité de préavis et les congés payés afférents.
Cass. soc., 17 nov. 2021, n° 20-14.848
Dans la cadre du maintien du salaire prévu par la convention collective (transports routiers) en cas de maladie, l’employeur avait exclu la rémunération variable (dont notamment une prime de courtage), ce que la Cour d’appel avait condamné.
La Cour de cassation confirme l’arrêt d’appel.
Cass. soc., 29 sept. 2021 n° 20-11.663
Dans cette affaire, l’employeur avait attribué une note de 0/5 à la salariée au titre du critère des qualités professionnelles.
L’arrêt d’appel avait relevé qu’aucun élément ne permettait de caractériser une erreur manifeste d’appréciation de la qualité professionnelle du salarié compte tenu notamment de son âge et de son ancienneté.
La Cour de cassation censure cette motivation en considérant que la Cour d’appel aurait dû rechercher si cette notation ne procédait pas d’une erreur manifeste ou d’un détournement de pouvoir.
Cass. soc., 22 sept. 2021 n° 19-23.679