Actualité droit social

La Cour d’appel de Paris écarte le barème Macron.

Dans un arrêt du 16 mars 2021, la Cour d’appel de Paris a condamné une entreprise à verser à un salarié ayant peu d’ancienneté le double du plafond du barème des dommages et intérêts institué par les ordonnances de 2017.

La Cour a en effet considéré que « le montant prévu [par le barème] ne permet pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi » par une salariée de 53 ans dont elle a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour écarter le plafond applicable, l’arrêt énonce que celui-ci « représente à peine la moitié du préjudice subi en termes de diminution des ressources financières depuis le licenciement ».

La Cour tient compte « de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération (…), de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard ». Au final, la condamnation s’est élevée à 32.000 € (7 mois de salaire), alors que le barème ne prévoyait que 17.000 maximum (4 mois).

Cour d’appel de Paris, 16 mars 2021, n° RG 19/08721


Reclassement : en cas de proposition refusée d’un poste approprié aux capacités du salarié, l’employeur n’a pas à l’informer par écrit des motifs qui s’opposent à son reclassement.

Aux termes de l’article L. 1226-12 du code du travail, lorsque l’employeur est dans l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent au reclassement. L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l’emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l’emploi. L’obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail.

Il en résulte que l’employeur a l’obligation de faire connaître au salarié, par écrit, les motifs qui s’opposent au reclassement, lorsqu’il est dans l’impossibilité de lui proposer un autre emploi.

Cependant, il n’est pas tenu de cette obligation lorsqu’il a proposé au salarié, qui l’a refusé, un emploi, dans les conditions prévues à l’article L. 1226-10 du code du travail, c’est-à-dire approprié à ses capacités.

Dans cette affaire, l’employeur avait proposé au salarié des offres de reclassement conformes aux exigences de l’article L. 1226-10 du code du travail. Le médecin du travail avait validé leur compatibilité avec l’aptitude résiduelle du salarié, qui les avait refusées.

Il en résulte que la demande de dommages-intérêts pour non-information des motifs de l’impossibilité de reclassement devait être rejetée.

Cass. soc., 24 mars 2021 n° 19-21.263


La faute lourde est caractérisée par des opérations créant une situation de conflits d’intérêts, menées à l’insu de l’employeur.

La faute lourde est caractérisée par l’intention de nuire à l’employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif et ne résulte pas de la seule commission d’un acte préjudiciable à l’entreprise.

En l’espèce, la faute lourde est caractérisée par le fait que le salarié avait passé divers contrats par l’intermédiaire notamment d’une société dont il était, à l’insu de son employeur, associé majoritaire, avec plusieurs sociétés, clientes ou filiales de la société, ayant généré des facturations ignorées de celle-ci, créant une situation de conflit d’intérêts. La dissimulation par le salarié de son intérêt personnel dans la réalisation d’opérations financières mettant en cause le fonctionnement de la société était constitutive d’un manquement à l’obligation de loyauté et établissait la volonté de l’intéressé de faire prévaloir son intérêt personnel sur celui de l’employeur.

Cass. soc., 10 février 2021, 19-14.315


L’accident survenu au temps et au lieu de travail est un accident du travail, peu important que le salarié soit à l’origine de l’altercation.

Est considéré comme un accident du travail, quelle qu’en soit la cause, l’accident survenu, par le fait ou à l’occasion du travail. En outre, l’accident survenu à un agent, aux temps et lieu du travail, est présumé imputable au service, sauf à la caisse à rapporter la preuve contraire, c’est-à-dire d’une cause totalement étrangère du travail.

Une altercation était intervenue entre le salarié et son supérieur hiérarchique, à la suite de laquelle le salarié avait souffert d’un syndrome anxio-dépressif réactionnel.

L’arrêt d’appel avait écarté la qualification d’accident du travail en considérant que le salarié avait été exclusivement à l’origine du différend l’ayant opposé à son responsable.

La Cour de cassation casse cependant cet arrêt en énonçant que l’accident était survenu au temps et au lieu du travail, et n’avait donc pas une cause totalement étrangère au travail.

Cass. civ. 2ème, 28 janvier 2021, 19-25.722


Enquête interne sur des faits de harcèlement : il n’est pas obligatoire d’informer ou d’entendre le salarié soupçonné.

Aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance (art. L. 1222-4 du Code du travail). En outre, l’administration de la preuve doit être loyale.

Pour écarter le compte-rendu de l’enquête confiée par l’employeur à un organisme extérieur sur les faits de harcèlement moral reprochés à la salariée, la cour d’appel avait considéré que celle-ci n’avait été ni informée de la mise en oeuvre de cette enquête, ni entendue dans le cadre de celle-ci, de sorte que le moyen de preuve invoqué se heurtait à l’obligation de loyauté et était illicite.

La Cour de cassation énonce cependant qu’une enquête effectuée au sein d’une entreprise à la suite de la dénonciation de faits de harcèlement moral n’est pas soumise aux dispositions de l’article L. 1222-4 du code du travail et ne constitue pas une preuve déloyale comme issue d’un procédé clandestin de surveillance de l’activité du salarié. L’enquête pouvait donc être effectuée sans que la salariée concernée soit informée ou entendue.

Cass. soc., 17 mars 2021, n° 18-25.597


Licenciement nul : être titulaire d’un contrat de travail ne peut priver le salarié de son droit à réintégration.

Le salarié dont le licenciement a été déclaré nul était titulaire d’un contrat de travail le liant à la commune d’Ajaccio, renouvelé pour 3 ans et devait préalablement démissionner de son emploi en respectant un préavis de deux mois.

L’employeur en concluait que sa réintégration dans la société était matériellement impossible.

La Cour d’appel, comme la Cour de cassation, ont cependant jugé que la société ne justifiait pas que la réintégration du salarié était matériellement impossible, le fait pour le salarié d’être entré au service d’un autre employeur n’était pas de nature à le priver de son droit à réintégration.

Cass. soc., 10 février 2021, n°19-20.397


Obligation de reclassement : les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe n’ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés.

L’employeur est tenu, avant tout licenciement économique, de rechercher toutes les possibilités de reclassement existant dans le groupe dont il relève, parmi les entreprises dont l’activité, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.

Cependant, les recherches de postes disponibles dans les sociétés du groupe auquel appartient l’employeur qui envisage un licenciement économique collectif, n’ont pas à être assorties du profil personnalisé des salariés concernés par le reclassement.

La Cour d’appel avait condamné l’employeur en retenant que dans ses lettres de recherche de reclassement adressées aux sociétés du groupe, l’employeur faisait état de la suppression de plusieurs postes de travail listés de façon générale et abstraite en indiquant uniquement l’intitulé et la classification de l’ensemble des postes supprimés sans apporter aucune indication concrète relative aux salariés occupant les postes supprimés notamment quant à leur âge, formation, expérience, qualification, ancienneté.

La Cour de cassation casse cependant cet arrêt en énonçant que les lettres de demande de recherche de postes de reclassement étaient suffisamment précises au regard des exigences de la loi.

Cass. soc., 17 mars 2021, n° 19-11.114


Sort d’une clause de non-concurrence non levée et non évoquée dans la transaction

Dans cette affaire, le salarié demandait l’application d’une clause de non-concurrence qui n’avait pas été levée au moment de la rupture du contrat de travail, et notamment le versement de la contrepartie financière stipulée.

L’employeur répondait qu’une transaction avait été conclue, ce qui privait le salarié de tout recours, y compris concernant le versement de la contrepartie financière de cette clause.

La Cour d’appel avait tranché en faveur du salarié, dans la mesure où le sort de la clause de non-concurrence n’était pas mentionné spécifiquement dans la transaction.

Cet arrêt est cassé par la Cour de cassation, qui énonce que les parties reconnaissaient dans la transaction que leurs concessions réciproques étaient réalisées à titre transactionnel, forfaitaire et définitif, ceci afin de les remplir de tous leurs droits et pour mettre fin à tout différend né ou à naître des rapports de droit ou de fait ayant pu exister entre elles et qu’elles déclaraient être totalement remplies de leurs droits respectifs et renoncer réciproquement à toute action.

Pour la Cour de cassation, les obligations réciproques des parties au titre de la clause de non-concurrence étaient donc comprises dans l’objet de la transaction, même si celle-ci n’était pas expressément mentionnée.

Cass. soc., 17 févr. 2021, n° 19-20.635


Les circonstances vexatoires du licenciement doivent être réparées même si le licenciement est justifié.

Même lorsqu’il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné, un préjudice distinct de celui du licenciement, dont il est fondé à demander réparation.

Dans cette affaire, l’employeur avait licencié le salarié pour faute grave, et s’était parallèlement répandu en public sur les motifs du licenciement, en prétendant que le salarié prenait de la drogue et qu’il était un voleur.

La Cour d’appel avait validé le licenciement et débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes. La Cour de cassation infirme cet arrêt en considérant que la Cour aurait dû rechercher, comme elle y était invitée, si le licenciement n’avait pas été entouré de circonstances vexatoires.

Cass. soc., 16 déc. 2020, n° 18-23966


Sanction du représentant du personnel pour l’utilisation abusive de ses heures de délégation

Un salarié avait fait l’objet d’un rappel à l’ordre puis d’une mise à pied pour l’utilisation abusive de ses heures de délégations :

– Rappel à l’ordre : des heures de délégation prises sur un mandat avaient été redistribuées différemment par le salarié dix jours plus tard.

– Mise à pied de 3 jours : le salarié avait quitté l’entreprise le 2 octobre 2014, à 15 heures. A son retour, il avait déclaré 5 heures 30 de délégation correspondant à son absence pour cette journée. Il avait par ailleurs adressé à l’employeur un e-mail le même jour en indiquant s’absenter précipitamment en raison de la fuite de son perroquet hors de sa cage. Etait donc établi le motif personnel de l’absence, et donc l’utilisation abusive de ses heures de délégation.

Ces deux sanctions ont été validées par la Cour d’appel puis par la Cour de cassation.

Cass. soc., 13 janv. 2021, n° 19-20781