Actualité droit social

Antidater la rupture conventionnelle : risque de nullité

Lors de la signature du formulaire de rupture conventionnelle le 31 juillet, les parties avaient daté le document du 13 juillet afin de se soustraire au délai de rétractation de 15 jours.

Or, un échange de courriers des 20 et 25 juillet montrait qu’à cette date, aucune rupture conventionnelle n’avait été conclue…

La rupture conventionnelle a été déclarée nulle pour vice du consentement du salarié en raison de son impossibilité d’exercer son droit de rétractation.

La nullité de la rupture conventionnelle produit en principe les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Mais dans cette affaire, comme il était établi que le salarié avait été en plus victime d’un harcèlement, la nullité de la RC a produit les effets d’un licenciement nul (indemnité minimale de 6 mois).

CA Aix-en-Provence 17-6-2022 n° 18/20412


Attention, la rupture conventionnelle est interdite dans certains cas !

Une rupture conventionnelle homologuée ne peut être conclue dans les cas suivants :

– En présence d’un CDD ou d’un contrat d’apprentissage (seule une rupture amiable est alors possible)

– En présence d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ou d’un accord de gestion prévisionnelle de l’emploi et des compétences (GPEC). Seule la rupture amiable collective est admise dans ces cas.

– Lorsque la santé mentale du salarié est altérée, son consentement étant alors vicié. Il en est de même en cas de harcèlement moral ou sexuel caractérisé ou en présence de manœuvres ou de pressions de l’employeur.

En revanche, contrairement aux idées reçues, elle peut être conclue :

– En cas d’arrêt pour maladie non professionnelle, et même en cas d’arrêt pour maladie professionnelle ou accident du travail

– En cas de congé de maternité et pendant la période de protection suivant la fin du congé

– En cas de congé parental d’éducation

– En cas de congé sabbatique ou sans solde

– En présence de difficultés économiques, sous réserve que cela ne revienne pas à contourner les garanties prévues pour le salarié en matière de licenciement économique.


Annulation de rupture conventionnelle : l’employeur doit prouver que le mensonge du salarié a été déterminant dans son consentement.

Un salarié avait demandé une rupture conventionnelle en faisant état d’un projet de reconversion professionnelle.

La Cour d’appel avait annulé la rupture en considérant que le véritable motif de la rupture conventionnelle était l’embauche du salarié par la concurrence comme directeur commercial et non un supposé projet de reconversion professionnelle, et que le fait d’avoir invoqué ce projet fallacieux tout en faisant abstraction de son embauche par une société concurrente pour obtenir l’accord de son employeur était une manoeuvre constitutive d’un dol au préjudice de ce dernier.

La Cour de cassation casse cet arrêt en considérant que la Cour d’appel aurait dû constater que le projet de reconversion professionnelle présenté par le salarié à son employeur avait déterminé le consentement de ce dernier à la rupture conventionnelle.

Ainsi, pour obtenir l’annulation d’une rupture conventionnelle, il ne suffit pas de prouver un mensonge du salarié, mais établir que celui-ci a été déterminant dans la volonté de conclure la rupture conventionnelle.

Cass. soc. 11 mai 2022 n° 20-15.909


En présence d’un chantage au paiement du salaire, la rupture conventionnelle doit être déclarée nulle.

Dans cette affaire, le salarié n’avait pas reçu de salaire depuis 4 mois lorsqu’il s’est vu proposer une rupture conventionnelle. L’arriéré s’élevait alors à 7 000 €. L’employeur a effectué un premier versement partiel de 1 500 € juste avant la signature de la convention de rupture, puis un second de 3 200 € pendant le délai de rétractation.

Pour la cour d’appel, la nullité de la rupture conventionnelle devait être prononcée en raison de l’existence d’une violence et d’un vice du consentement au moment de la signature de l’acte. En effet, l’employeur, qui ne payait plus le salarié depuis plusieurs mois, a contraint celui-ci à accepter la rupture par la promesse du versement de l’arriéré de salaire. La Cour estime que le salarié pouvait légitimement craindre qu’à défaut d’acceptation, il ne soit jamais réglé de ses salaires impayés.

CA Lyon 21 janvier 2022, n° 19/04124


Rupture conventionnelle : nullité si l’employeur n’a pris aucune mesure contre une situation de harcèlement dénoncée par la salariée.

A la date de la signature de la convention de rupture conventionnelle, l’employeur, informé par la salariée de faits précis et réitérés de harcèlement sexuel de la part de son supérieur hiérarchique, n’avait mis en oeuvre aucune mesure de nature à prévenir de nouveaux actes et à protéger la salariée des révélations qu’elle avait faîtes.

La salariée se trouvait donc dans une situation devenue insupportable et dont les effets pouvaient encore s’aggraver si elle se poursuivait. Elle n’avait donc eu d’autre choix que d’accepter la rupture et n’avait donc pu donner un consentement libre et éclairé.

Il existait donc une violence morale et c’est à bon droit que la Cour d’appel avait procédé à l’annulation de la rupture conventionnelle.

Cass. soc. 4 nov. 2021 n° 20-16.550


Les pressions de l’employeur et l’état de santé fragile du salarié peuvent justifier la nullité de la rupture conventionnelle.

Lorsqu’antérieurement à la conclusion d’une rupture conventionnelle, l’employeur use de pressions et de manoeuvres qui, compte tenu de l’état de santé fragilisé du salarié, incitent ce dernier à signer la convention de rupture, celle-ci est nulle en raison d’un vice du consentement.

CA Besancon 1-9-2020 n° 18-02192


Rupture conventionnelle : une irrégularité de procédure n’entraîne pas systématiquement la nullité.

Dans cette affaire, lors de la signature du formulaire de rupture conventionnelle, l’employeur était assisté de son conseil, alors que le salarié était seul.

La Cour de cassation énonce que l’assistance de l’employeur lors de l’entretien préalable à la signature de la convention de rupture ne peut entraîner la nullité de la rupture conventionnelle que si elle a engendré une contrainte ou une pression pour le salarié qui se présente seul à l’entretien. Comme ce n’était pas le cas en l’espèce, la demande du salarié a été rejetée.

Cass. soc., 5 juin 2019, n° 18-10901


Salarié inapte : la rupture conventionnelle est possible

La Cour de cassation énonce qu’une convention de rupture peut être valablement conclue par un salarié déclaré inapte à son poste à la suite d’un accident du travail, sauf cas de fraude ou de vice du consentement,

Cass. soc., 9 mai 2019, n° 17-28767


Convention de rupture conventionnelle sans date = nullité

La Cour de cassation énonce que lorsque la date de signature de la convention de rupture n’est pas mentionnée sur la convention, celle-ci est alors nécessairement incertaine et il est alors impossible de déterminer le point de départ du délai de rétractation.

La convention est alors nulle et la rupture s’analyse alors en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cass. soc. 27-3-2019 n° 17-23586


Validité de la rupture conventionnelle même après engagement d’une procédure de licenciement pour faute grave

Un employeur avait mis à pied à titre conservatoire un salarié en vue de le licencier pour faute grave, avant de consentir à conclure une rupture conventionnelle.

Le salarié estimait avoir accepté cette rupture sous la pression, affirmant avoir été choqué et perturbé par la mise à pied et la procédure de licenciement.

La Cour d’appel de Limoges a débouté le salarié en estimant que seul un vice du consentement pouvait remettre en cause la validité de la rupture conventionnelle, rappelant ainsi la jurisprudence de la Cour de cassation (Cour de cassation, ch. sociale, 23 mai 2013, n° 12-13865).

Elle constate que le salarié ne prouvait pas avoir subi des pressions. C’est d’ailleurs lui qui avait sollicité une rupture conventionnelle afin d’éviter un licenciement pour faute grave. CA Limoges, 9 septembre 2013, n° RG 12/01357