Actualité droit social

Inaptitude du salarié dû à un harcèlement moral = nullité du licenciement

Lorsque le licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement de l’intéressée est la conséquence des agissements de harcèlement moral de l’employeur, le licenciement intervenu à la suite de l’inaptitude est nul (Cass. soc. 1er février 2023, n° 21-24.652).

En cas de licenciement nul, le barème de l’art. L. 1235-3 (« barème Macron ») n’est pas applicable. Le salarié est en droit d’obtenir une indemnité pour licenciement nul égale à un minimum de 6 mois de salaire, sans qu’aucun maximum ne soit fixé (art. L. 1235-3-1 du Code du travail).

La Cour de cassation vient également d’énoncer que le salarié peut aussi demander sa réintégration (Cass. soc. 19-4-2023 n° 21–25221).


Est nul le licenciement fondé sur un usage non abusif par le salarié de sa liberté d’expression, même en présence d’autres griefs.

Le caractère illicite du motif du licenciement prononcé, même en partie, en raison de l’exercice, par le salarié, de sa liberté d’expression, liberté fondamentale, entraîne à lui seul la nullité du licenciement.

Le directeur général de filiale roumaine du groupe avait été licencié avait été licencié pour faute grave, notamment pour avoir usé abusivement de sa liberté d’expression.

Lui étaient reprochés dans la lettre de licenciement les propos qu’il avait tenus dans un courrier adressé au président du directoire du groupe dans lequel il mettait en cause le directeur d’une filiale ainsi que les choix stratégiques du groupe.

Cette lettre du 23 décembre 2016 adressée par le salarié au président du directoire du groupe, pour dénoncer la gestion désastreuse de la filiale roumaine tant sur le terrain économique et financier qu’en termes d’infractions graves et renouvelées à la législation sur le droit du travail, faisait suite à l’absence de réaction de sa hiérarchie qu’il avait alertée le 2 décembre 2016 sur ces problèmes majeurs de sécurité et de corruption imputables à la gestion antérieure.

La Cour d’appel avait considéré que les termes employés n’étaient ni injurieux, ni excessifs, ni diffamatoires à l’endroit de l’employeur et du supérieur hiérarchique.

La Cour de cassation approuve donc la cour d’appel d’en avoir déduit que l’exercice de sa liberté d’expression par le salarié n’était pas abusif et que le licenciement était donc nul.

Cass. soc. 29 juin 2022 n° 20-16.060


Doit être frappé de nullité le licenciement d’un salarié pour le simple usage de sa liberté d’expression.

Le salarié avait fait part de son désaccord sur les modalités d’intégration d’une société au sein d’une autre, dans des termes qui n’étaient pas outranciers ou injurieux.

La Cour avait considéré que le licenciement intervenu pour l’exercice par le salarié de sa liberté d’expression était sans cause réelle et sérieuse.

Cet arrêt est cassé, la Cour de cassation considérant qu’un tel licenciement devait être déclaré nul et pas simplement sans cause réelle et sérieuse.

Cass. soc., 16 février 2022, 19-17.871


Licenciement sans cause réelle et sérieuse : le juge ne peut s’écarter du « barème Macron ».

L’article L. 1235-3 du code du travail, issu de l’ordonnance du 22 septembre 2017, met en place un barème applicable à la fixation par le juge de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, celle-ci devant être comprise entre des montants minimaux et maximaux, ces derniers variant, selon l’ancienneté du salarié, entre un et vingt mois de salaire brut.

Dans deux arrêts remarqués, la chambre plénière de la Cour de cassation énonce que ce barème s’impose au juge dans tous les cas, celui-ci ne pouvant être écarté pour incompatibilité avec des textes internationaux tels la Charte sociale européenne (art. 24) et l’article 10 de la Convention de l’OIT n° 158 sur le licenciement.

Cass. soc. 11 mai 2022, n° 21-15.247 et Cass. soc. 11 mai 2022, n° 21-14.490


Lanceur d’alerte : nullité du licenciement d’un salarié ayant dénoncé des infractions pénales de l’employeur.

En raison de l’atteinte qu’il porte à la liberté d’expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d’un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions et qui, s’ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales ou des manquements à des obligations déontologiques prévues par la loi ou le règlement, est frappé de nullité.

Dans cette affaire, la lettre de licenciement reprochait expressément à un expert-comptable salarié d’avoir menacé son employeur de saisir la compagnie régionale des commissaires aux comptes de l’existence dans la société d’une situation de conflit d’intérêts à la suite de cas d’auto-révision sur plusieurs entreprises, situation prohibée par le code de déontologie de la profession, dont il l’avait préalablement avisé. Le licenciement est frappé de nullité.

Cass. soc. 19 janv. 2022 n° 20-10.057


Réintégration du salarié protégé : droit aux salaires depuis la date du licenciement.

Aux termes l’article L. 2411-10 du code du travail, lorsque le salarié protégé licencié sans autorisation administrative de licenciement demande sa réintégration pendant la période de protection, il a droit, au titre de la méconnaissance du statut protecteur, à une indemnité égale à la rémunération qu’il aurait perçue depuis la date de son éviction jusqu’à sa réintégration.

Dans cette affaire, une salariée protégée avait été licenciée et avait perçu une indemnité de préavis.

Son licenciement ayant été déclaré nul, celle-ci demandait la perception de ses salaires depuis son licenciement, sans déduction de l’indemnité de préavis versée.

La Cour d’appel puis la Cour de cassation lui ont donné raison : le point de départ de l’indemnité due au titre de la violation du statut protecteur devait être fixé à cette date.

La Cour précise que l’employeur n’avait formé aucune demande de restitution de l’indemnité compensatrice de préavis, sous-entendant ainsi que cela aurait probablement été possible.

Cass. soc. 9 juin 2021, n° 19-15.593


La Cour d’appel de Paris écarte le barème Macron.

Dans un arrêt du 16 mars 2021, la Cour d’appel de Paris a condamné une entreprise à verser à un salarié ayant peu d’ancienneté le double du plafond du barème des dommages et intérêts institué par les ordonnances de 2017.

La Cour a en effet considéré que « le montant prévu [par le barème] ne permet pas une indemnisation adéquate et appropriée du préjudice subi » par une salariée de 53 ans dont elle a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse. Pour écarter le plafond applicable, l’arrêt énonce que celui-ci « représente à peine la moitié du préjudice subi en termes de diminution des ressources financières depuis le licenciement ».

La Cour tient compte « de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération (…), de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à retrouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard ». Au final, la condamnation s’est élevée à 32.000 € (7 mois de salaire), alors que le barème ne prévoyait que 17.000 maximum (4 mois).

Cour d’appel de Paris, 16 mars 2021, n° RG 19/08721


Licenciement nul : être titulaire d’un contrat de travail ne peut priver le salarié de son droit à réintégration.

Le salarié dont le licenciement a été déclaré nul était titulaire d’un contrat de travail le liant à la commune d’Ajaccio, renouvelé pour 3 ans et devait préalablement démissionner de son emploi en respectant un préavis de deux mois.

L’employeur en concluait que sa réintégration dans la société était matériellement impossible.

La Cour d’appel, comme la Cour de cassation, ont cependant jugé que la société ne justifiait pas que la réintégration du salarié était matériellement impossible, le fait pour le salarié d’être entré au service d’un autre employeur n’était pas de nature à le priver de son droit à réintégration.

Cass. soc., 10 février 2021, n°19-20.397


Les circonstances vexatoires du licenciement doivent être réparées même si le licenciement est justifié.

Même lorsqu’il est justifié par une faute grave du salarié, le licenciement peut causer à celui-ci, en raison des circonstances vexatoires qui l’ont accompagné, un préjudice distinct de celui du licenciement, dont il est fondé à demander réparation.

Dans cette affaire, l’employeur avait licencié le salarié pour faute grave, et s’était parallèlement répandu en public sur les motifs du licenciement, en prétendant que le salarié prenait de la drogue et qu’il était un voleur.

La Cour d’appel avait validé le licenciement et débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes. La Cour de cassation infirme cet arrêt en considérant que la Cour aurait dû rechercher, comme elle y était invitée, si le licenciement n’avait pas été entouré de circonstances vexatoires.

Cass. soc., 16 déc. 2020, n° 18-23966


Barème Macron : la Cour d’appel de Grenoble juge celui-ci peut être écarté au cas par cas.

Pour la Cour, le caractère adéquat de la réparation allouée au salarié licencié sans cause réelle et sérieuse doit être apprécié de manière concrète selon son préjudice ce qui peut conduire, dans certains cas, à déroger au barème « Macron ».

CA Grenoble 2 juin 2020 n° 17/04929