Actualité droit social

Reclassement : attention à la rédaction de l’avis d’inaptitude !

Deux arrêts de la Cour de cassation du même jour permettent d’y voir plus clair :

  • Mention : « L’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi» : l’employeur est totalement dispensé de recherches de reclassement (Cass. soc., 8 février 2023, n° 21-19.232
  • Mention : « L’état de santé de la salariée fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans cette entreprise». L’employeur doit tenter de reclasser le salarié dans les autres sociétés du groupe. (Cass. soc., 8 février 2023, n° 21-11.356)

Il faut donc être prudent dans la lecture de l’avis d’inaptitude car la méconnaissance de l’obligation de reclassement prive le licenciement de cause réelle et sérieuse et peut avoir de lourdes conséquences pécuniaires.

 


Tout savoir sur la mise à pied.

Il existe 2 types de mise à pied :

  • La mise à pied disciplinaire: sanction visant à suspendre temporairement le contrat de travail et la rémunération du salarié ayant eu un comportement fautif.
  • La mise à pied conservatoire: mesure provisoire permettant à l’employeur d’écarter le salarié de l’entreprise dans l’attente d’une sanction disciplinaire. Il ne s’agit pas d’une sanction en tant que telle.

En cas de mise à pied régulière, l’employeur est en droit de procéder à une retenue sur salaire correspondant au temps de travail non effectué par le salarié. La mise à pied ne peut pas être assimilée à une sanction pécuniaire interdite.

En cas de mise à pied conservatoire, l’employeur est dispensé du paiement du salaire seulement si elle est suivie d’un licenciement pour faute grave ou lourde, justifié par les mêmes faits que ceux ayant motivé la mise à pied conservatoire. À défaut, le salarié a droit à un rappel de salaire correspondant à la période de mise à pied.

Le salarié est en droit de percevoir le salaire dont il été privé lorsque :

  • Le juge ne valide pas la faute grave,
  • L’employeur renonce finalement à licencier ou licencie pour un motif autre qu’une faute grave ou lourde,
  • Si la mise à pied a été suspendue par l’employeur, ce qui signifie qu’elle n’était donc pas nécessaire. Mais le versement de sa rémunération au salarié pendant la mise à pied conservatoire n’empêche pas l’employeur de se prévaloir de la faute grave.

Le salarié en mise à pied conservatoire ne peut pas prendre ses congés payés pendant cette période, même si les dates avaient été décidées avant.

La mise à pied régulière entraîne les conséquences classiques d’une suspension du contrat de travail : période non retenue pour calculer la durée des congés payés (sauf disposition conventionnelle contraire) ; les primes associées à une condition de présence peuvent être réduites à due proportion ; impact sur le calcul de la participation et de l’intéressement. En revanche, il continue à bénéficier du véhicule de fonction dont il a l’usage dans sa vie personnelle, ou du logement de fonction.

Si le salarié est titulaire d’un mandat de représentant du personnel, celui-ci peut continuer à exercer son mandat au sein de l’entreprise pendant la mise à pied, et les heures de délégation doivent lui être payées.


La géolocalisation des véhicules des salariés

Le recours à un dispositif de géolocalisation d’un salarié itinérant pour contrôler sa durée de travail n’est licite que si :

  • Le salarié ne dispose pas d’une liberté d’organiser son travail,
  • L’employeur n’a pas d’autre moyen d’effectuer ce contrôle (par exemple documents déclaratifs du salarié, données laissées par le salarié sur un programme informatique).

En revanche, le dispositif de géolocalisation installé sur un véhicule professionnel ne doit pas être utilisé pour localiser un salarié en dehors de son temps de travail. Il s’agit alors d’une atteinte importante à son droit à une vie personnelle, disproportionné par rapport au but poursuivi (Cass. soc., 22 mars 2023, n° 21-22.852).

Dans tous les cas, les conditions relatives à tout dispositif de surveillance doivent être observées :

  • Le dispositif ne doit pas apporter de restriction aux droits et libertés des salariés qui ne soit pas justifiée par la nature de la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché.
  • Information du salarié préalablement à la mise en place du dispositif de contrôle,
  • Information et consultation préalables du CSE,
  • Conformité au RGPD en cas de traitement de données personnelles.


Prime de bienvenue (Golden Hello) : possible de subordonner son versement à une condition de présence

Dans cette affaire, le contrat de travail prévoyait le versement dans les 30 jours de l’entrée en fonction du salarié d’une prime de bienvenue d’un montant de 150.000 €, mais que ce dernier devrait rembourser partiellement en cas de démission dans les 36 mois de sa prise de fonction.

Le salarié avait démissionné avant cette échéance et l’employeur lui avait demandé le remboursement partiel, ce que le salarié avait refusé.

La Cour d’appel avait considéré que l’employeur ne pouvait subordonner l’octroi définitif de la prime initiale versée au salarié à la condition que ce dernier ne démissionne pas à une date postérieure à son versement, dès lors que cette condition, qui avait pour effet de fixer un coût à la démission, portait ainsi atteinte à la liberté de travailler du salarié.

La Cour de cassation censure cet arrêt en énonçant qu’une telle clause, dont l’objet est de fidéliser le salarié peut, sans porter une atteinte à la liberté du travail, subordonner l’acquisition de l’intégralité d’une prime d’arrivée à une condition de présence de ce dernier dans l’entreprise pendant une certaine durée après son versement et prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n’aura pas passé dans l’entreprise avant l’échéance prévue.

Cass. soc., 11 mai 2023, n° 21-25.136


Quand une condamnation pour agression sexuelle dans la vie privée entraîne un licenciement.

Le salarié, qui exerçait les fonctions de vigneron tractoriste, était par ailleurs, dans la même ville, entraîneur de football, activité dans le cadre de laquelle il a été déclaré coupable d’agression sexuelle sur mineur.

Lors de son retour dans l’entreprise après son incarcération, une quarantaine de salariés a manifesté son refus de travailler avec lui et, le lendemain, les salariés ont de nouveau manifesté leur désaccord avec le retour de l’intéressé, n’hésitant pas à faire grève pour être entendus par leur employeur.

L’employeur l’a alors licencié en raison du trouble causé par son retour dans l’entreprise.

Les juridictions successives ont considéré que la condamnation pénale du salarié avait créé un trouble objectif au bon fonctionnement de l’entreprise et justifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse. Cass. soc., 13 avril 2023, 22-10.476

Il s’agit d’une illustration du principe jurisprudentiel selon lequel, si, en principe, il ne peut être procédé à un licenciement pour un fait tiré de la vie privée, il en va autrement lorsque le comportement de celui-ci a créé un trouble caractérisé au sein de l’entreprise.


La présomption de démission en cas d’abandon de poste.

En cas de suspicion d’abandon de poste, l’employeur doit :

Mettre en demeure le salarié de justifier son absence et de reprendre son poste, par lettre recommandée ou par lettre remise en main propre contre décharge.
Fixer un délai dans cette mise en demeure. Ce délai est de 15 jours minimum à compter de la présentation du courrier.

Si le salarié dispose d’un motif légitime, il doit l’indiquer en répondant à la mise en demeure, en fournissant un justificatif.

Est présumé démissionnaire le salarié qui ne reprend pas le travail ou n’a pas justifié son absence à l’expiration du délai.

Un préavis de démission est dû par le salarié. En l’absence de dispense par l’employeur et en cas d’inexécution du préavis par le salarié, l’employeur peut demander au Conseil de Prud’hommes la condamnation du salarié à lui verser une indemnité correspondant aux sommes que le salarié aurait perçues s’il avait exécuté son préavis.

Le salarié qui conteste la rupture de son contrat de travail intervenue sur ce fondement peut saisir le conseil de prud’hommes. L’affaire est portée directement devant le bureau de jugement, qui se prononce, dans le délai d’un mois, sur la nature de la rupture et les conséquences. L’employeur peut former une demande reconventionnelle en paiement d’une indemnité compensatrice de préavis si le salarié n’a pas exécuté celui-ci.

L’employeur qui compte lever la clause de non-concurrence doit le faire dans le courrier de mise en demeure ou dans un courrier concomitant.

Sur l’attestation Pôle Emploi, il faut cocher la case Démission au titre du motif de rupture.

Art. L. 1237-1-1 et R. 1237-13 du Code du travail / Questions-réponses du ministère du Travail


Temps partiel : les pièges à éviter (2/2)

Le nombre d’heures complémentaires qu’il est possible de faire effectuer doit être prévu au contrat. Ce nombre ne peut pas dépasser 1/10e de la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue, voire 1/3 si une convention ou accord collectif de branche étendu le prévoit. En cas de dépassement de ces plafonds, le salarié peut demander des dommages-intérêts (en plus du paiement des heures).

Les heures complémentaires ne doivent pas avoir pour effet de porter la durée du travail au niveau de la durée légale (35 heures) ou conventionnelle du travail. En cas d’atteinte de la durée légale, même sur 1 mois, le salarié peut demander la requalification en temps plein de son contrat (Cass. soc. 21 sept. 2022 n° 20-10.701).

Chaque heure complémentaire accomplie donne lieu à une majoration de salaire égale à :
– 10 % pour celles n’excédant pas 1/10e de la durée contractuelle de travail ;
– 25 % pour celles excédant cette limite.

Le salarié doit être informé au moins 3 jours à l’avance des heures complémentaires à effectuer. À défaut, il peut refuser de les faire.


Temps partiel : les pièges à éviter (1/2)

Le contrat de travail à temps partiel doit être écrit et comporter les mentions obligatoires suivantes : qualification, éléments de la rémunération.

Le contrat doit aussi impérativement mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue ainsi que sa répartition entre les jours de la semaine ou les semaines du mois (sauf exceptions légales). A défaut, le contrat est présumé conclu à temps complet. Il s’agit cependant d’une présomption simple que l’employeur peut combattre en apportant la preuve contraire.

Le contrat de travail à temps partiel doit prévoir les cas dans lesquels une modification de la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois peut intervenir ainsi que la nature de cette modification. À défaut, la répartition ne peut être modifiée qu’avec l’accord du salarié.

La durée minimale de travail du salarié à temps partiel est de 24 heures par semaine ou, le cas échéant, l’équivalent mensuel de cette durée. Une convention ou accord de branche étendu peut prévoir une durée inférieure.

Une durée de travail inférieure à la durée minimale conventionnelle ou, à défaut, légale peut être fixée sur demande écrite et motivée du salarié souhaitant soit faire face, soit à des contraintes personnelles, soit cumuler plusieurs activités lui permettant d’atteindre la durée globale d’activité ci-dessus. Pour le salarié de moins de 26 ans poursuivant ses études, une durée inférieure est fixée de droit à sa demande.

La durée du travail ne peut être modifiée qu’avec l’accord du salarié même si la rémunération est maintenue.


Le temps de déplacement doit être payé dans certains cas.

Le temps habituel de déplacement entre le domicile et le lieu de travail ne constitue pas un temps de travail effectif et n’a donc pas à être rémunéré, sauf stipulation conventionnelle ou usage contraire (art. L. 3121-4 du Code du travail).

Toutefois, en ce qui concerne le déplacement sur un lieu de mission (autre établissement de l’entreprise ou locaux de clients), si celui-ci dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il doit faire l’objet d’une contrepartie en repos ou de manière financière (sans que cela soit du temps de travail effectif).

S’agissant des salariés itinérants, la Cour de cassation refusait de considérer comme temps de travail effectif le temps de déplacement domicile-lieu de mission des salariés sans lieu de travail fixe ou habituel, en contradiction avec la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJUE).

La Cour de cassation a récemment revu sa position dans une affaire où un technico-commercial devait, en conduisant, pendant ses déplacements, grâce à son téléphone portable professionnel et son kit Bluetooth intégré dans le véhicule de société, être en mesure de fixer des rendez-vous, d’appeler et de répondre à ses divers interlocuteurs. Il ne se rendait que de façon occasionnelle au siège de l’entreprise pour l’exercice de sa prestation de travail et se rendait avec le véhicule de société auprès des clients répartis sur sept départements éloignés de son domicile.

La Cour de cassation a considéré que, pendant les temps de trajet ou de déplacement entre son domicile et les premier et dernier clients, le salarié devait se tenir à la disposition de l’employeur et se conformer à ses directives sans pouvoir vaquer à des occupations personnelles. Il s’agit donc d’un temps de travail effectif (Cass. soc., 23 nov. 2022, n° 20-21924).


Quelles sont les retenues possibles sur salaire ?

Avances. Une avance correspond au règlement d’un travail non encore effectué. Attention, les retenues successives en remboursement ne peuvent dépasser le dixième du montant du salaire mensuel (art. L. 3251-3 C. trav.)

Acomptes. Un acompte consiste à payer un travail effectué, avant la date normale d’exigibilité du salaire. Ce paiement, qui intervient avant la date d’échéance de la paie, vient donc ensuite en déduction du montant du salaire exigible à cette date.

Heures d’absence : Absences injustifiées, jours de grève. La retenue correspondante doit être égale au rapport du salaire mensuel sur le nombre d’heures de travail dans l’entreprise pendant le mois considéré.

Sommes indument versées. En cas de trop-versé au salarié, l’employeur peut opérer une compensation avec le salaire exigible. Mais dans ce cas, il faut respecter la limite de la retenue du dixième du salaire relative aux avances.

Par ailleurs, l’employeur est en droit de supprimer pour l’avenir avec effet immédiat des rémunérations indues, même payées depuis longtemps (mauvais calcul de prime par exemple).

Interdiction des sanctions pécuniaires. Ce type de retenue est formellement interdit. Cela vise par exemple la réduction de salaire pour exécution défectueuse du travail, ou encore la retenue pour frais de réparation du matériel ou du véhicule de l’entreprise. En revanche, la retenue sur salaire proportionnelle aux retards injustifiés du salarié est licite.

Retenue des contraventions ? Ce type de retenue est illégal (Cass. soc. 11 janv. 2006 n° 03-43.587)